Lourdes : « Les coups de cœur de Karine »

La rubrique des « coups de cœur Karine » est une rencontre hebdomadaire sur le site de Lourdes Actu, proposée par la Médiathèque avec Karine Aristin Chargée de la culture.

Cette semaine elle vous propose « UNE TOMBE EN TOSCANE » de Maurice DENUZIERE

UNE TOMBE EN TOSCANE

Edition : Fayard

L’auteur : Maurice DENUZIERE, né le 29 Août1926,  fut chroniqueur pour France-soir et le Monde, après une formation journalistique et une carrière amorcée dans l’aéronautique navale. Féru de lettres, il a écrit plusieurs romans encensés parla critique et le public (notamment la série Louisiane qui couvre 6 volumes). De plus, Maurice Denuzière s’est vu décerner le titre de Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres, en 2010. Le roman qui nous concerne, aujourd’hui,« Une Tombe en Toscane » fut écrit en 1960.

L’histoire :

Jean-Louis Malterre vient, de façon brusque, de perdre son père : un riche industriel. Devenu chef d’une famille composée, désormais, de sa mère et de sa sœur. Il mène, en prenant exemple sur la rigueur et le sérieux de son ascendant, les affaires de l’entreprise. C’est ainsi qu’il trouve, de façon fort efficace, sa place, dans ce microcosme d’une haute bourgeoisie de province de la fin des années 50.

Deux mois plus tard, pour mieux s’approprier ses nouvelles fonctions et endosser, de façon adéquate, le rôle de ce père craint et vénéré, il explore la chambre du défunt. Dans le bureau, il trouve une facture au profit d’une entreprise de pompes funèbres en Italie,pour la construction du tombeau d’une mystérieuse femme, ainsi qu’un poème très étrange relatif au catafalque d’Inès de Castro -cette femme qui, au Moyen-âge, fut exhumée de la tombe et physiquement couronnée reine un an après sa mort parun roi fou d’amour pour elle.

La découverte de ces documents,dont la possession, par son père, paraît totalement incongrue au héros, le conduira au Portugal, ainsi qu’en Toscane, dans une quête d’un passé totalement inconnu et obscur. Là, Jean-Louis Malterre va découvrir que de grands pans de l’existence de son père lui étaient totalement inconnus, et que certains aspects de sa personnalité auront toujours échappé à l’ensemble de la famille.

 Ainsi, pour savoir qui il est vraiment, le fils qui ne se sentait « être »qu’à travers la figure tutélaire du paternel, devra comprendre qui était réellement son père pour pouvoir, lui-même, à son tour, grandir et jouir d’une personnalité propre,départie de tout le poids d’un jeu de rôle familial où l’ombre de l’absent, parle souvenir de sa prestance et de son charisme, plane encore sur le fils, et,par le fait, le retient de s’épanouir.

Ce qui m’a plu :

Nous effleurons, dans ce livre,une approche quasi psychanalytique, relativement à l’analyse des émotions liées au processus de deuil. Cela dit le registre de langue de l’auteur est tellement poétique qu’il confère à son récit une douceur, une subtilité et une fluidité magistrales.

De plus, c’est un roman qui donne à penser à des poupées gigognes, ou plutôt, des éclats d’un miroir brisé ; car, au-delà des voyages réels et introspectifs de Jean-Louis, à la recherche des secrets de son père, c’est une terrible et poignante histoire d’amour que nous offre Maurice Denuzière.

Ce sont lesdits fragments de miroir que nous rassemblons au fil des pages pour comprendre le lien entre le poème mentionnant Inès de Castro et cette mystérieuse tombe en Toscane. C’est d’ailleurs dans cette Toscane merveilleusement décrite, que le héros serévélera à son être propre.

De plus, en tant que fils de chevalier d’industrie et industriel à son tour, il découvrira, dans l’intemporalité de la ville de Sienne, et à travers certains de ses habitants,ce qu’était la vie quotidienne dans la pure aristocratie toscane, dans ses modes de fonctionnement, ses principes, voire ses carcans encore en vigueur dans certaines familles, au vingtième siècle.

Pour finir, il me paraît aussi impératif de rendre hommage à la puissance narrative mêlée à une grande finesse d’analyse de Maurice Denuzière que l’on perçoit, déjà, si fortement dans le second roman de sa jeune carrière d’auteur. En effet, la maîtrise du récit laisse deviner la place prépondérante que prendra l’écrivain dans la littérature de la seconde moitié du XXe siècle.