La rubrique des « coups de cœur Karine » est une rencontre hebdomadaire sur le site de Lourdes Actu, proposée par la Médiathèque avec Karine Aristin Chargée de la culture.
Cette semaine elle vous propose « MONSIEUR EST MORT » de Karine Silla.
MONSIEUR EST MORT
L’auteur : Karine Silla. Actrice, écrivaine, dramaturge, scénariste et réalisatrice, Karine Silla, née à Dakar, en 1965, a écrit « Monsieur est mort », son premier roman, en 2014.
L’histoire :
C’est sa mère qu’il a, au bout du fil, à des milliers de kilomètres de là où il se trouve. Il est rare que sa mère lui téléphone. Habituellement, elle le fait pour les fêtes, ou célébrations diverses. Autre fait incongru, la voix de sa mère, aujourd’hui, est douce, presque fragile, elle qui, a coutume d’être froide, voire cassante, du haut de sa remarquable beauté et de ses ineffables élégance et savoir-vivre.
Cela dit, il comprend immédiatement, à ce qui suit comme mots, pourquoi, cette fois, les choses sont différentes. Sa mère lui annonce, depuis la France, à lui, dans sa maison de Calcutta, que son père est mort.
Son père, il ne l’a pas revu voilà quinze ans. Et bien entendu, il ne l’aimait pas. C’est pour cette raison qu’il avait refusé de répondre aux souhaits paternels de se revoir, à nouveau ; tout comme, il n’avait pas ouvert la lettre que ce dernier lui avait adressé, un mois auparavant.
C’est pour cette raison, aussi qu’il est parti en Inde : la fuite. Et même s’il vit de façon tout à fait spartiate, et travaille sans le moindre espoir d’élévation sociale, dans cette petite entreprise familiale de textile, il est libre, et peut vivre avec la douleur, ô certes, à peine assourdie, mais néanmoins présente, du décès de Gabriel, son frère jumeau, qui avait choisi de se donner la mort.
Pourtant, sa mère lui demande de revenir en France. Un billet est pour lui, en première classe. C’est que sa famille est très riche. Mais lui, ce n’est pas pour ça qu’il revient. C’est le sens du devoir, la tendresse, malgré tout, éprouvée envers sa mère, le sentiment, pour une fois, d’être reconnu par son utilité, lui, l’ancien héroïnomane, le fils rebelle.
Parce que, elle le lui dit, sa mère : « ses deux petits frères –qu’il n’a pas revus depuis quinze ans, non plus- ne sauraient pas gérer la mort du père : le corps, les formalités… », il va rentrer pour se retrouver face à ce qu’il fuit depuis tout ce temps, ce passé, cette enfance, cette famille, et pourquoi pas lui-même !
Ce qui m’a plu :
Il y a dans les phrases de ce livre une immense sensibilité, sous des descriptions presque factuelles. C’est cette distanciation qui confère au livre ce rythme inimitable, ainsi que cette musicalité.
Il y a ces blessures de l’enfance, aussi, subtilement et si justement livrées par l’auteure, qui font écho -car nous en avons tous, de ces failles- et créent une intimité, voire une familiarité avec les émotions du narrateur, ainsi que ses diverses manières de les appréhender.
Un beau livre.