Ce lundi 6 janvier à 18h à l’Hémicycle, Mgr Ribadeau Dumas, Recteur du Sanctuaire avait convié les autorités civiles, religieuses et socio-professionnelles à la traditionnelle Cérémonie de vœux, mais évidemment pour lui une Première puisque il n’a pris sa charge que depuis 3 mois.
Etaient présents Mme le Maire Josette Bourdeu, qu’il a déjà rencontré plusieurs fois, les Maires-adjoints Madeleine Navarro, Alain Garrot, Marie-José Moulet, Alain Abadie, les congrégations religieuses, des chapelains, des membres de l’Hospitalité Notre-Dame de Lourdes, des Responsables des divers Services du Sanctuaire, le Curé de Lourdes Jean-François Duhar, des membres des deux Syndicats hôteliers, des membres de l’Intersyndicale…
Avant de partager la Galette, Mgr Ribadeau Dumas a rendu un hommage appuyé à Jean-François Duhar à qui il a souhaité un prompt rétablissement et que tous ont applaudi spontanément.
Puis l’assistance a écouté avec un vif intérêt son intervention. Il a parlé de Laïcité et de la crise des croyances dans notre société, a parlé de la situation actuelle du Sanctuaire, des défis à relever, de l’union nécessaire entre le Sanctuaire, la Ville, les socio-professionnels et s’est attardé sur le changement au niveau de la venue des pèlerins : moins de groupes, plus d’individuels (en forte croissance), de nouveaux pèlerins comme les Brésiliens et les Asiatiques. Il pense vraiment que « Lourdes a un bel avenir devant elle. »
A noter que ce discours a eu une écoute attentive et prégnante auprès de tous les présents.
Discours de Mgr Ribadeau Dumas :
« Madame le Maire, mesdames et messieurs les élus, mesdames et messieurs membres de l’intersyndicale, chers frères, mesdames, messieurs, chers amis,
Permettez-moi de me réjouir tout d’abord de la présence de l’abbé DUHAR parmi nous. C’est une très grande joie de savoir notre curé ici ce soir.
C’est une très sincère et profonde joie pour moi de m’adresser à vous pour la première fois comme Recteur du Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes alors que je suis arrivé dans votre ville, dans notre ville, depuis un peu plus de 3 mois. L’année nouvelle qui commence est l’occasion de cette rencontre amicale, loin de tout protocole, et l’occasion de vous dire ce qui me tient à cœur alors que j’ai découvert de l’intérieur le sanctuaire après en avoir été l’usager pendant bien des années. Et je dirais volontiers que l’expérience que je fais avec grande joie depuis mon arrivée me fait découvrir de très belles choses. Je suis heureux que soient présents à cette rencontre amicale ceux qui forment ce que j’appelle volontiers la galaxie de Lourdes, tant notre sanctuaire et notre ville ont partie liée avec des partenaires qui je le souhaite deviendront autant d’amis : autorités publiques, socio-professionnels, partenaires ecclésiaux.
Permettez-moi de vous dire en commençant combien il m’apparaissait naturel de vous offrir mes vœux ainsi que ceux des chapelains qui forment avec moi une équipe diverse et soudée, investie totalement dans leur mission et heureux pour beaucoup de contribuer à l’extérieur du sanctuaire au dynamisme de l’Eglise de Tarbes et Lourdes. Je le fais avec cette forte conviction qui s’est particulièrement développée pendant toutes mes années au secrétariat général et comme porte-parole de la Conférence des évêques de France, que la laïcité n’est pas une philosophie qui consisterait à reléguer dans l’espace privée l’expression des croyances, espace d’ailleurs qui deviendrait si privé qu’il finirait par en devenir caché ; mais la laïcité est ce principe républicain qui s’incarne dans un cadre juridique qui permet à tous, croyants de toute religion et non croyants, de vivre ensemble et de s’enrichir mutuellement de leurs propres visions de l’homme et de la société, dans le respect de l’ordre public. Sans vouloir récupérer l’héritage des législateurs de la loi de séparation de l’Eglise et de l’État, qui ne comporte d’ailleurs pas le mot « laïcité », il me semble que l’on peut trouver dans l’Evangile cette juste autonomie entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, mais autonomie ne veut pas dire indifférence. C’est l’Etat qui est laïc et avec lui ceux qui le représentent, mais non la société qui s’enrichit de la diversité de ses citoyens qui ne sont pas schizophrènes. On n’est pas d’un côté citoyen et de l’autre croyant. On n’est pas moins citoyen parce qu’on est croyant.
Nos sociétés occidentales traversent aujourd’hui des crises importantes dont les aspects économiques et sociaux, qu’il ne s’agit nullement de minorer, ne me semblent être que des manifestations et des expressions de quelque chose de beaucoup plus profond. Il y a, me semble-t-il aujourd’hui une crise du sens, une crise de la transmission et une crise de la confiance. Devant de tels défis, on peut être paralysé et anesthésié ou au contraire dynamisé. Je suis volontiers dans cette seconde option et ce d’autant plus que je crois que nous sommes ici dans une terre qui apporte une réponse à ces crises.
La crise du sens est évidente. Beaucoup, trop peut-être de nos concitoyens, ne savent plus très bien quel sens à la vie et semblent déconcertés par les progrès de la technique si rapides et de l’idéologie du progrès qui parfois remet en cause jusqu’aux fondements mêmes d’une anthropologie jusqu’alors presque communément acceptée. Mais aussi l’actualité récente nous montre que la seule perspective d’une consommation toujours plus forte ne peut remplir une existence, que les inégalités sont souvent insupportables. Le mouvement des gilets jaunes n’est pas que l’expression d’un mécontentement, il est aussi l’expérience d’une fraternité retrouvée entre des personnes qui ne se rencontraient plus. C’est là que je crois que nous avons à Lourdes une richesse inestimable. Parce qu’il y a plus de 160 ans, il y eut dans la grotte de Massabielle une rencontre étonnante : celle de Marie avec cette jeune fille pauvre de cette terre. Et depuis 1858, Lourdes est le lieu de la rencontre : rencontre entre malades et hospitaliers, rencontre entre les générations, rencontre entre prêtres et laïcs, rencontre entre pèlerins et visiteurs venant du monde entier, rencontre entre socio-professionnels et pèlerins, et je le souhaite profondément, rencontre entre nous. Cette rencontre dans la grâce de Lourdes, dans cet esprit si caractéristique du sanctuaire, mais aussi de tous ceux qui sont autour, illustre ce beau mot qui se trouve au fronton de nos édifices publics : la fraternité. A la crise du sens, Lourdes a une réponse, celle de la rencontre et elle en a une autre également : en proposant que les plus petits, les plus faibles, ceux que l’on ne regarde habituellement pas parce qu’ils n’incarnent pas les standards d’une humanité réussie, en proposant que les malades, les personnes handicapées et les fracassés de la vie soient à la première place, Lourdes envoie un message unique qui renverse les valeurs de nos sociétés. Et tous ceux qui font cette expérience souhaitent, j’en suis témoin, qu’elle soit l’ordinaire d‘une vie. Quelle chance pour nous et quelle responsabilité également ! Cette responsabilité nous est commune.
Crise du sens et crise de la transmission aussi. La mémoire s’évanouit et ce qui paraissait si évident pour des générations passées devient un phénomène étrange pour les plus jeunes. Je ne dis pas ça pour vanter une époque particulière. De même que je suis persuadé qu’il n’y a jamais eu d’âge d’or du christianisme, de même je pense que chaque époque a des défis sociaux à relever. Eduquer est une tâche difficile, mais on ne peut y renoncer. Former un peuple, une nation dans un monde planétaire où l’on circule en un clic de souris d’un bout à l’autre peut sembler une gageure, mais c’est très certainement un défi à relever. Transmettre des repères, incarner des valeurs essentielles pour qu’une vie commune soit possible et constructive, pour que chacun ne s’enferme pas dans un individualisme stérile est complexe, mais c’est la grandeur d’un pays et en son sein des familles que d’offrir cela à ses enfants. Et là encore, je pense que Lourdes a des atouts considérables. Dès les premières apparitions, par un phénomène étonnant qui tint sans doute au départ à la surprise, mais aussi à l’attrait exercé par ce qui se vivait à la grotte de Massabielle, au rayonnement de Bernadette, des foules accoururent pour être témoins. Elles ne voyaient rien si ce n’est Bernadette ; elles n’entendaient pas ce que Marie et elle se disaient mais elles étaient là et elles en parlaient. Bernadette est un formidable exemple de transmission avec son caractère fait de finesse et de ténacité : « Je ne suis pas chargée de vous le faire croire mais de vous le dire ». Et depuis ces années, le message de Lourdes se transmet, de génération en génération, de contrées en pays, de pays en continents. A quoi cela est-il dû ? Sans doute au contenu même du message, car il manquerait au monde s’il n’existait pas, mais aussi à la force et aux efforts considérables de tous ceux qui depuis l’abbé Peyramale et Mgr Laurence, jusqu’aux acteurs d’aujourd’hui en passant par tous ceux qui ont eu à cœur de prendre en charge l’Hospitalité ND de Lourdes, à tous les acteurs de la vie publique qui se sont mis au service de cette cause. Le message de Lourdes est plus vivant et actuel aujourd’hui que jamais. Ce n’est pas un message à destination unique de l’Eglise ; il est fait pour la société entière. Il a un caractère véritablement prophétique.
Enfin, je crois que Lourdes a une réponse particulière à la crise de la confiance qui gangrène notre société. Confiance envers les pouvoirs publics et les autorités politiques, confiance envers les institutions dont l’Eglise avec parfois de biens justes motifs, confiance entre les citoyens, confiance entre les peuples. Lourdes est une école de confiance, car elle est d’abord le lieu de la bienveillance. Cet a priori de bienveillance, je souhaite vraiment qu’il soit au cœur de nos relations mutuelles. J’y accorde une importance toute particulière parce que soupçonner l’autre de je ne sais quelle manœuvre ruine toute possibilité de confiance et annihile tout espoir de bâtir quelque chose en vue de l’intérêt général ou du bien commun. Lourdes est le lieu de la confiance qui s’apprend, s’enracine et se développe. Apprenons de la confiance des malades envers la Vierge Marie, de la confiance des pèlerins entre eux soudée par une même aspiration.
Autant vous dire, chers amis, que pour toutes ces raisons, nous pouvons nous réjouir. Lourdes a un bel avenir devant elle. Et si je parle du sanctuaire, j’inclus nécessairement les socio-professionnels et plus généralement notre ville, car le sanctuaire est incarné dans une terre, dans cette belle terre de Bigorre et parce que la prospérité des uns ne va pas sans la prospérité des autres. Il est clair que nous sommes à un nouveau tournant dans la vie du sanctuaire ; depuis quelque temps déjà, mais le phénomène s’accélère, le visage de nos pèlerinages change. Les pèlerinages traditionnels diocésains s’essoufflent un peu et de nouvelles formes de séjours se développent. Les gens viennent moins longtemps, ils ne connaissent pas forcément ce qu’ils vont découvrir, ils viennent d’horizons nouveaux ; je pense notamment aux nombreux pèlerins brésiliens ou asiatiques ; le nombre d’individuels est en forte croissance. Ils viennent pour certains sans savoir ce qu’ils vont découvrir et il est de notre responsabilité de leur permettre en amont d’avoir une idée de ce qu’est Lourdes pour que leur court séjour au sanctuaire leur donne de vivre une véritable expérience spirituelle. C’est un défi pour nous tous et tout particulièrement, pour nous au sanctuaire, d’accueillir au mieux tous ceux qui passent ou séjournent. Mais c’est un défi pour les autorités afin de faciliter la venue et l’accès au sanctuaire, pour les acteurs socio-professionnels pour leur offrir des produits de qualité, leur permettre d’avoir un séjour agréable et économiquement viable. Je suis intimement persuadé que c’est ensemble que nous arriverons à relever les défis qui nous attendent. Non pas les uns sans les autres, non pas les uns contre les autres mais les uns avec les autres. Ensemble, nous relèverons le défi de l’imagination et de la créativité ; ensemble, nous relèverons le défi de la souplesse et de l’adaptation ; ensemble, nous relèverons le défi de la patience ; ensemble, nous relèverons le défi du travail en lien en vue du Bien commun ; ensemble, nous relèverons le défi de la bienveillance mutuelle. Chers amis, j’arrête là ce discours déjà trop long, mais je suis si heureux de pouvoir vous rencontrer. Lourdes est je crois vraiment la seule ville mondiale. La seule ville dont le nom soit connu dans le monde entier, connu et respecté, connu et aimé. Il n’est pas de pays, pas de contrées où il n’y ait une grotte de Lourdes ou une église placée sous le patronage de Notre-Dame de Lourdes. Ce trésor nous est commun à tous. Je veux vous assurer de mon enthousiasme à l’idée de faire partager au plus grand nombre cette chance de découvrir la source de ce qui fait la richesse de notre ville.
En cette année, qui sera si particulière aussi pour la vie municipale, je nous souhaite de toujours garder à l’esprit ce qui fait la spécificité de ce lieu et de vivre de la joie d’être ici. A vous et à vos familles, à vos proches et à vos équipes, je souhaite une très bonne année. Je vous remercie de votre attention bienveillante. »