A n’en pas douter, cette crise n’est pas seulement une crise sanitaire, c’est aussi et surtout une crise de modèle de société. Le Covid-19 laissera des traces, soyons-en assurés. Il faudra, le temps venu, faire un constat et tirer les conséquences de cette mutation sociale, économique et politique.
Laissons passer le temps de l’urgence médicale qui nécessite que nous soyons tous solidaires, unis et responsables. Mais mettons à profit cette période de confinement pour nous interroger, de manière sincère et profonde, comme cela nous est proposé dans le cadre de retraites spirituelles, de séminaires d’entreprises, etc…, et remettons-nous en question. Profitons de cette cure de désintoxication imposée pour dresser un constat et interrogeons-nous sur les limites de notre société car demain, tout devra prendre un sens renouvelé.
La crise sanitaire actuelle sera-t-elle une occasion à saisir pour oser changer nos modèles et retrouver le sens des choses ? Saura-t-elle être véritablement salutaire ?
Une crise, c’est quoi ?
Le mot crise a un double sens qui tient de son étymologie. Du latin « crisis » qui signifie : la manifestation violente et brutale d’une maladie et du grec « krisis » : la nécessité de discerner et de faire un choix, en un mot de décider.
Le Covid-19 : un virus bien réel
Cette crise sanitaire qui, en début d’année, nous paraissait être une lointaine réalité est devenue rapidement une réalité immédiate. En effet, sur le plan psychologique, la population n’était pas préparée à cet événement de type catastrophique « cela ne nous concerne pas», « la Chine c’est loin», « cela ne peut pas nous arriver».
Pour faire simple, tous les acteurs ont sous-estimé la gravité de ce virus qui a contaminé non seulement les êtres humains, mais aussi également notre système économique, politique, social qui était déjà bien souffrant.
Nous qui pensions faire partie des mieux armés pour mener cette guerre contre le Covid-19, nous nous sommes vite aperçus que nous avions été dans l’incapacité de faire ou de réagir dans les délais, nous n’avons pas su faire preuve de raisonnement rationnel et de discernement des priorités. En effet, les citoyens auraient souhaité que les autorités réagissent dans le bon ordre et dans le bon timing.
Aujourd’hui, nous pouvons d’ores et déjà faire le constat d’un manque réel d’anticipation pour gérer une telle crise. Peut-être faudrait-il, à l’image des entreprises qui préparent des scénarii de crises avec des dispositifs temporaires en attendant la sortie de crise ou encore à l’image du plan ORSEC et de ses dispositions spécifiques (notamment en matière sanitaire) et surtout identifier un référent de crise.
Ainsi on se rend compte également, que même dans un scénario de crise tel que celui que nous connaissons, la majorité des entreprises en France n’était pas prête pour le télétravail, contrairement à certains de nos voisins européens. Cette remarque est également valable pour
le système éducatif. En effet, dans ce domaine aussi nous n’avons pas su anticiper. Et pourtant nous avons les connaissances, les outils et les moyens humains pour mettre en place le travail via l’outil digital.
On s’aperçoit que les messages d’alerte, les consignes concernant les barrières de sécurité et le confinement sont difficilement respectés par les citoyens. Les comportements frôlent l’hystérie quand on voit la « razzia » qui est faite dans certains rayons des magasins d’alimentation, quand on sait les vols de matériels (masques, etc…) qui ont lieu dans des établissements de santé, que nous n’avons jamais vu autant de joggeurs dans les rues, etc.
Et pourtant, dans un premier temps, pour limiter la propagation du virus en attendant que la recherche (une collaboration internationale existe dans ce domaine) ait trouvé des traitements (préventifs et curatifs), il est indispensable de respecter les consignes, notamment de confinement, quand notre activité professionnelle le permet.
En outre, l’annonce d’un éventuel traitement efficace par le professeur Raoult risque de créer une pression qui à son tour peut créer une panique liée à la peur de ne pas pouvoir bénéficier de ce remède.
D’aucuns réclament une position plus ferme, voire plus radicale du président de la République et du Gouvernement, d’aucuns refusent les règles. Rappelons que le rôle des politiques est de ne pas céder à la pression mais nous, jusqu’où sommes-nous capables de renoncer à nos droits et à nos libertés pour lutter contre cette épidémie ?
Aujourd’hui, le temps est donné en priorité aux soins et à la recherche médicale, mais d’ici peu, le temps sera venu de trouver également des remèdes efficaces pour, ensuite, venir au chevet de notre société et la remettre sur pied.
Un mal, des maux
Dans un premier temps, la crise sanitaire liée au Covid-19 a révélé au grand jour que nous étions dans l’incapacité de prendre des décisions communes dans l’intérêt général. Et pourtant, comme cela a été dit précédemment, il s’agit là de l’essence même du mot crise.
En effet, sans être des experts, force est de constater que cette épidémie est révélatrice de la grande fragilité de notre société basée sur un système capitaliste mondialisé et dont on voit aujourd’hui les grandes limites. Notre modèle semble indéniablement inefficace en cas de crise comme celle que nous vivons actuellement.
Malgré notre système de protection sociale, notre système de santé publique, réputés pour être parmi les plus performants au monde, le virus du Covid-19 est un véritable amplificateur d’inégalités. Cette épidémie a des effets démographiquement et socialement sélectifs. En effet, ce sont encore et toujours, les plus fragiles, les plus vulnérables qui sont le plus touchés.
Du point de vue de l’industrie, rien n’a pu être fait de manière rapide et organisée pour faire face au manque de masques, de gel hydro-alcoolique, de révélateurs pour les tests de dépistages, etc. Seuls quelques grands groupes (L’Oréal, LVMH, Air Liquide, etc.) et quelques entreprises ont pris des initiatives et modifié leurs lignes de production. Mais à qui la faute si les entreprises n’ont pas été plus nombreuses à s’investir dans la reconversion de leur production ?
Aujourd’hui, il n’existe plus de véritable ministère de l’Industrie. De ce fait, il n’existe plus de service ou de structure auprès desquels les industriels auraient pu se rapprocher pour obtenir les spécifications techniques indispensables pour fabriquer tel ou tel matériel. Le potentiel de reconversion est cependant fondamental « en temps de guerre ». Et s’il est un domaine où on ne peut pas improviser, c’est bien celui de la santé.
En conclusion, il est indéniable qu’il existe un manque de visibilité sur les leviers à actionner en cas de crise. Aussi, la crise sanitaire passée, faudra-t-il peut-être revoir notre copie en ce qui concerne l’organisation même de l’Etat et de ses services.
Un virus et ses conséquences
La crise des Gilets Jaunes avait donné naissance au Grand Débat National, la crise liée au Covid- 19 devra prolonger ce débat et l’étendre aux fondamentaux de notre système de société car elle a mis au jour les faiblesses de notre système économique, politique, sanitaire et social. Aussi, forts des impasses révélées, préparons le changement.
En outre, étant donné la méfiance qui existe envers les « sachants », les élus et les institutions, c’est à nous, à notre niveau, en notre qualité de citoyen lambda mais impliqué dans la vie publique, de faire fi des habitudes et de continuer à aller à contre-courant.
Nous venons de nous apercevoir que le capitalisme n’est pas viable sans un service public fort, mais nous devons aller au-delà. Notre vie doit retrouver du sens et nous devons repenser de manière radicale notre manière de produire et de consommer, nous devons transformer de manière drastique notre socialisation, nous devons revoir le paradigme économique et politique, chasser le superflu, retrouver le sens de la vie et protéger son environnement.
Nous sommes à un moment charnière de basculement dans un nouveau monde géopolitique et il y aura beaucoup à faire.
Lorsque tout sera enfin derrière nous, le temps sera venu de dresser un bilan des réussites et des erreurs voire des échecs des uns et des autres. Mais ce bilan ne pourra être fait qu’en toute objectivité et bonne foi, en mettant de côté ses ambitions personnelles. Et après le diagnostic, penser à ce qui doit être modifié de manière sensible ou radicale dans notre système sanitaire, économique, social, commercial, et même au niveau de nos règles juridiques ainsi que l’ensemble de notre législation (Code du travail, Code de commerce, …). Faisons-le à la manière des progressistes dont le devoir est de partir de la réalité pour mieux la changer.
Dans notre Histoire, le printemps semble être une période propice aux changements, la période du renouveau par excellence. Le « Printemps des peuples », le « Printemps de Pékin », les « Printemps arabes », etc. Faisons de ce printemps 2020 une analyse objective, tirons-en les leçons et repensons nos modèles et osons replacer l’humain au cœur de nos sociétés.
Et pourquoi ne pas entreprendre un « grand nettoyage de printemps » pour épousseter l’intégralité de notre modèle de société et demander plus de transparence entre les interlocuteurs. Repenser, entre autre, notre système de santé, ce grand corps malade bloqué par une vision du soin qui, aujourd’hui, nous montre que nous avons fait fausse route, ce que confirme le président de la République : « L’engagement que je prends ce soir pour eux et pour la nation toute entière c’est qu’à l’issue de cette crise un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital. C’est ce que nous leur devons, c’est ce que nous devons à la Nation. Cette réponse sera profonde et dans la durée.» (Emmanuel Macron, Mulhouse le 25 mars 2020).
Poursuivons-ce qu’avait lancé Emmanuel Macron au printemps 2016 avec le mouvement « En Marche », replaçons le citoyen au cœur de la vie publique, changeons les pratiques, les usages et les visages de la politique. Un projet qui, avec l’exercice du pouvoir et à force de composer, s’est éloigné de ses objectifs en retombant dans les ornières de la « vieille politique ». Renouvelons nos modèles. Un programme audacieux certes, mais aujourd’hui indispensable. Le Covid-19 aura au moins eu le bénéfice de cette prise de conscience : il est indispensable de repenser de fond en comble notre société.
Nous prônons aujourd’hui une éthique de modération : facile à dire aujourd’hui mais, une fois la crise passée, serons-nous capables de modifier nos comportements, nos modes de vie ?
Faisons ensemble de cette crise sanitaire, une crise salutaire.
Marie-Agnès Staricky, citoyenne engagée
Lourdes, le 27 mars 2020