Discours d’ouverture de l’assemblée plénière de printemps des évêques de France, le vendredi 22 mars
2024 à Lourdes.
« Mesdames et Messieurs, chers Frères et Sœurs, vous qui écoutez ce discours de clôture grâce à KTO Télévision en direct ou en replay ou qui le lisez sur le site de notre Conférence, Mesdames et Messieurs les journalistes, Mesdames et Messieurs les Directeurs des Services Nationaux et les collaborateurs et collaboratrices de notre Conférence, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil National du Diaconat, Chers Frères évêques,
En revenant en esprit sur les trois jours et demi de cette assemblée, les mots qui me sont venus sont ceux de modestie et de sens des responsabilités. Le mot de modestie peut paraître décalé. Il est luimême modeste, il évite de se réclamer de l’humilité qui est d’une autre grandeur ou profondeur. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Nous avons surtout pendant ces quelques jours poursuivi des travaux déjà bien entamés.
Ainsi avons-nous pu voter les statuts nouveaux de notre Conférence, intégrant les résultats majeurs du chemin de transformation qui nous a occupés depuis septembre 2021. A vrai dire, nous les avions votés en novembre et comptions recevoir la recognitio du Saint-Siège. Mais celui-ci nous a fait parvenir des remarques auxquelles nous ne nous attendions pas. Il nous a fallu les intégrer et nous l’avons fait de bon cœur. Car le point essentiel de ces remarques est d’une grande importance : le Saint-Siège tient à ce qu’une Conférence des évêques comporte plusieurs instances ou lieux de travail commun et de décision des évêques, que tout ne soit pas concentré entre les mains du seul Conseil permanent. L’existence obligatoire d’une Commission doctrinale ne suffit pas à honorer cette exigence. En ces temps de synodalité, il est important de nous souvenir de la réalité de la collégialité : c’est le travail commun, à égalité, des évêques, participant au collège épiscopal qui succède au collège des Apôtres, et leur accord commun qui garantissent à l’Église d’être, au long des temps et malgré les événements et leur marque sur elle, celle que le Seigneur Jésus a confiée à ses Apôtres et envoyée dans le monde.
Nous confierons donc trois des pôles au pilotage d’une commission, composée uniquement d’évêques, qui pourra fonctionner, autant qu’il sera opportun, en « formation élargie » et trois autres au pilotage d’un conseil, composé d’évêques et d’autres personnes, les pôles dont les domaines étaient déjà conduits de cette manière, avec la possibilité pour les évêques de se réunir en format épiscopal. Les statuts sont désormais votés et nous allons les présenter à la recognitio du Saint-Siège ; nous avons voté le règlement intérieur ; nous avons voté le décret de promulgation. Tout cela fait, nous avons pu élire les présidents des commissions et conseils de pôles. Je suis heureux de pouvoir annoncer ce matin que :
-la commission du pôle « Annonce et Vie chrétienne » sera présidée par Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Arras ; la commission du pôle «Dialogue, bien commun et amitié sociale», le sera par Mgr Denis Jachiet, évêque de Belfort-Montbéliard ; la commission du pôle «Acteurs de l’Église» par Mgr Jean-Marc Micas, évêque de Tarbes et Lourdes ; le conseil du pôle «Communication» sera présidé par Mgr Bruno Valentin, évêque de Carcassonne et Narbonne ; le conseil du pôle «Ressources et Moyens» le sera par Mgr Yves Baumgarten, évêque du Puy-en-Velay.
Nous avons décidé, afin de garantir une unité de représentation et de politique, que le conseil du pôle «Affaires institutionnelles» serait présidé par le Président de la Conférence des évêques.
Dans les semaines qui viennent, les évêques émettront des vœux quant aux conseils ou commissions auxquels ils voudraient appartenir ou des pôles auxquels ils voudraient participer et le Conseil permanent aidé par les Présidents des Pôles, des Conseils et Commissions, les répartira de la meilleure manière possible. A partir du 1er juillet, les commissions et conseils de pôle commenceront leurs mandats de sorte qu’à partir du 1erseptembre, toute notre organisation présente puisse se transformer au mieux. Jusqu’au 1er juillet, les actuels présidents des actuelles commissions et des actuels conseils continueront leur tâche. Merci à eux qui accompagnent cette période de transition.
Tout ceci peut vous paraître, à vous tous qui m’écoutez ou me lisez, bien interne, bien technique. L’enjeu de notre transformation est cependant que notre Conférence puisse être plus souple, plus réactive, plus économe, il faut le dire aussi, en personnes et en moyens afin que nous soyons plus et mieux en phase avec le monde qui se transforme autour de nous et avec l’Église universelle qui, ellemême, se transforme fortement. Nous visons à plus de synodalité, pour être mieux à même de soutenir la mission des diocèses, davantage capables d’exprimer l’originalité chrétienne pour une humanité en recherche.
Le Conseil permanent tel qu’il est actuellement ira au terme de son mandat et sera remplacé tout comme la Présidence en mars 2025. Le Conseil permanent sera alors organisé différemment avec un évêque élu par Province ecclésiastique.
Je voudrais ici, au nom de tous les évêques, remercier nos collaboratrices et collaborateurs du siège parisien et de toutes les autres instances de notre Conférence, avec une mention particulière pour les directeurs des services nationaux. Tous vont devoir entrer dans des relations de travail différentes. Lors des différentes consultations faites, vous nous avez encouragés à oser cette transformation, conscients que toute organisation doit se renouveler à intervalles réguliers, vous nous avez exprimé votre confiance, vous nous avez dit votre disponibilité. Depuis des années, nous bénéficions de votre compétence à tous, de votre engagement, de votre loyauté aussi. Vous avez porté avec nous l’opprobre des violences sexuelles et des abus mis au jour et vous nous avez aidés et nous aidez encore à mettre en œuvre les évolutions nécessaires pour que les relations à l’intérieur de l’Église soient saines et ajustées. Vraiment, à chacune, à chacun, merci. Je voudrais encore, au nom des évêques, remercier Mgr Laurent Le Boulc’h, archevêque de Lille et Mgr Didier Noblot, évêque de Saint-Flour, les membres du groupe de travail et du cabinet Nexus qui ont stimulé notre assemblée et notre Conférence pour préparer cette transformation, avec une mention spéciale pour M. Amaury Dewavrin qui nous conseille dans la mise en œuvre de cette organisation nouvelle. J’exprime aussi ma gratitude au Nonce apostolique pour son aide efficace dans nos relations avec le Saint-Siège et sa disponibilité pour nous conseiller. Sa présence pendant nos assemblées est appréciée de nous tous.
La Conférence des évêques, comme toutes les Conférences des évêques, a un rôle modeste. Elle n’est pas du tout le principal de la réalité de l’Église qui se vit avant tout dans les Églises particulières, en particulier les diocèses célébrant et annonçant le mystère du Seigneur. Mais, comme la Conférence anime le travail commun des évêques au service de la mission de chaque Église particulière et de l’Église entière, les trois dimensions de la synodalité (tous les baptisés vivent de l’Esprit-Saint), de la collégialité (certains sont choisis et associés à l’envoi du Christ, le Fils envoyé par le Père) et de la primauté (Pierre et ses successeurs garantissent l’unité au long de l’histoire) y retentissent forcément et elles doivent y être perceptibles. Vous l’avez compris donc, la reconfiguration engagée est une série de changements en soi modestes mais elle exprime notre responsabilité commune et partagée de vivre
mieux selon l’intégralité des dimensions de l’Église et de permettre à celles et ceux qui travaillent avec nous de les vivre aussi.
Deuxième grand sujet pour nous en cette assemblée : le suivi de ce que nous avons mis en place depuis novembre 2021 pour lutter contre les violences sexuelles dans notre Église, en reconnaître les personnes victimes et offrir à celles-ci la possibilité d’un chemin de réparation, réformer les éléments structurels et culturels qui ont rendu possible ces faits et leur impunité. Nous avons donc entendu le rapport de l’Official et du Promoteur de Justice du Tribunal Pénal Canonique National que nous avons mis en place comme une innovation à l’échelle de l’Église universelle, entendu aussi l’état des lieux du Fonds SELAM qui nous aide à collecter toutes les sommes nécessaires à toutes nos opérations, présenté par M. Gilles Vermot-Desroches et celui de l’INIRR (Instance Nationale Indépendante de Reconnaissance et Réparation) présenté par sa Présidente, Mme Marie Derain de Vaucresson. Un
dispositif structuré est désormais en place, auquel il convient d’ajouter la CRR (Commission Reconnaissance et Réparation) de la Conférence des Religieuses et Religieux de France.
Après le choc du rapport de la CIASE en octobre 2021 et la forte attente qu’il a suscitée, la CRR et l’INIRR ont reçu, vous le savez, des demandes très nombreuses qui ont rendu leur démarrage difficile. Peu à peu les équipes se sont renforcées ; elles ont acquis de l’expérience ; le chemin offert aux personnes victimes porte des fruits d’apaisement ; il permet à plusieurs de se sentir autorisés à vivre de manière nouvelle. Chaque chemin est unique, chaque chemin est fragile. Un bon nombre d’entre nous, évêques, ont pu rencontrer des personnes victimes au terme de leur accompagnement par un référent de l’INIRR au cours d’un moment voulu comme un des éléments de la réparation nécessaire. Ces évêques ont fait part aux autres de leur espérance que ces moments ont été utiles pour ceux et celles qui avaient été traités en objets des désirs et de la volonté de puissance d’un homme, d’un prêtre que son appartenance à l’institution de l’Église rendait plus ou moins intouchable et insoupçonnable. Je veux, au nom des évêques, remercier les personnes engagées à l’INIRR et aussi à la CRR, les membres des collèges, le Secrétaire général préfigurateur et celles et ceux qui lui ont succédé, les médiateurs et les référents : ils entendent des choses rudes, ils apportent leur appui à la fois professionnel et fraternel à des hommes et des femmes blessés, abîmés, empêchés de vivre, qui redécouvrent ce qu’ils ou elles ont subi et qui, grâce à eux, espèrent apprendre à vivre à neuf.
L’INIRR doit pouvoir mener son œuvre jusqu’au bout. C’est pourquoi notre assemblée a décidé de renouveler le mandat de Mme Marie Derain de Vaucresson. Il devait se finir le 31 décembre prochain ; en accord avec elle, nous l’avons volontiers porté jusqu’au 30 juin 2026, afin qu’elle puisse continuer sa mission d’accueil et d’accompagnement des personnes qui se sont manifestées et celles qui continueront de le faire. Nous exprimons notre gratitude à Marie Derain de Vaucresson qui a conçu pour nous cette instance, qui la fait vivre, qui recrute et forme les collaboratrices et collaborateurs nécessaires et qui sait tirer de ce qu’elle entend et voit et fait, une réflexion puissante sur les relations humaines, qu’elle nous a partagée.
Nous devons réfléchir dès maintenant à la manière dont le dispositif exceptionnel de l’INIRR, pensé pour faire face à un monde de douleurs ignoré, nié même, et brusquement venu au jour, pourra se transformer en un dispositif ordinaire et pérenne. Nous le ferons avec modestie, en nous appuyant sur l’expérience acquise par d’autres, les personnes victimes et celles et ceux qui les aident à notre place et en notre nom, en nous laissant instruire par leurs récits et leurs réflexions. Nous aurons à solliciter d’autres personnes pour prendre le relais de celles et ceux qui auront beaucoup donné.
Nous avons entendu aussi Mme Corinne Boilley, venue nous faire part des conclusions du groupe de travail sur l’accueil et l’accompagnement à proposer aux personnes victimes d’agressions sexuelles dans l’Église à l’âge adulte. De son rapport, nous recevons l’encouragement à mettre en place un dispositif national en faveur des personnes victimes de violences sexuelles dans l’Église à l’âge adulte. L’assemblée a confié au Conseil permanent le soin de chercher les personnes avec qui concevoir ce dispositif. Il paraît nécessaire que celles et ceux qui ont ou auraient à se plaindre d’un prêtre, d’un diacre ou d’un laïc en responsabilité dans l’Église soient écoutés, orientés et accompagnés dans la justice de notre pays et vers la justice canonique selon les cas, ou que leur soit proposé un chemin de justice restaurative si les deux premières voies n’étaient pas possibles ou pas suffisantes. Pour cela aussi
nous aurons besoin d’aide ; il nous faut trouver des personnes compétentes qui acceptent de se rendre disponibles pour nous aider et qui acceptent de progresser elles-mêmes en compétences spécifiques. Nous verrons avec ces personnes comment penser et mettre en place les procédures les mieux adaptées ou ajustées pour que la lumière soit faite sur les faits, pour que la vérité rende aux personnes blessées une liberté de vivre nouvelle.
Le plus important est ceci. Les faits mis à nu, certains sont très anciens, d’autres moins, nous indiquent une violence présente dans l’humanité qui risque toujours de venir corrompre de l’intérieur tout système d’autorité, même le mieux intentionné et le mieux fondé. Nous avons perdu la naïveté qui nous faisait penser que la beauté de notre foi et la puissance du Ressuscité nous préservaient à jamais de ce genre de violence et d’injustice. Tout au contraire, nous avons dû constater que notre Église, celle de Jésus-Christ, pouvait, parce qu’elle est un lieu de relations fortes, fondées sur la liberté, s’appuyant sur ce qu’il y a de plus vrai et de plus profond en l’être humain, permettre à des personnalités perverses de trouver de quoi exercer leurs passions destructrices avec une certaine impunité ; nous avons dû encore constater que notre Église pouvait comme accentuer certaines vulnérabilités humaines et contribuer à priver des personnes de leurs capacités ordinaires de résistance. Ce double constat est redoutable ; nous le recevons cependant de la miséricorde de Dieu qui tire le mal au jour pour nous permettre de nous en libérer et peut-être d’en guérir. Il nous faudra donc, dans la vie ordinaire de l’Église, nous rendre capables d’accueillir ou de rester capables d’accueillir et de soutenir les personnes victimes, et aussi progresser en vigilance, en exigence, en compréhension de ce qui se joue dans une relation humaine, en lucidité sur les perversions possibles dans toute relation d’éducation ou d’assistance, même les plus heureuses en apparence. Cela a été souligné devant nous: les recherches ont beaucoup progressé en quelques années pour identifier les déformations possibles de la relation,
pour repérer le psycho-trauma et ses conséquences, pour relier des maladies même physiologiques et les troubles psychologiques ou psychiatriques à des violences sexuelles ou des abus de conscience. Nous regardons avec intérêt la loi en préparation qui définira plus précisément certaines notions comme celle d’emprise et permettra ainsi à la justice étatique de se saisir plus facilement des cas les plus graves de déformation des relations.
Cette assemblée nous a permis de nous redire ensemble et de nous redire les uns aux autres notre détermination à rester toujours à l’écoute des personnes victimes, prêts à les écouter, à les accompagner, à doter nos diocèses et à nous aider à l’échelle de la France entière à disposer d’une capacité d’écoute, d’orientation et d’accompagnement vers la reconnaissance et la restauration. Nous sommes conscients que du travail sera sans cesse nécessaire pour que les relations dans l’Église, tout comme que dans le reste de la société sans doute mais certainement dans l’Église, soient toujours des relations claires, où chacune et chacun sait ce qu’il peut et doit engager, fondées sur le respect de
l’autre, de son intégrité, de son intimité, du mystère de son âme appelée à voir Dieu.
Certains parmi vous qui m’écoutez ou me lisez peuvent être déconcertés d’entendre que, dans l’Église du Christ aussi, toute relation peut être un risque. Notre compréhension de la Parole de Dieu, pourtant, se trouve éclairée par les analyses sociologiques et la science des organisations mais, plus encore, la Parole de Dieu conforte ces acquis pour nous alerter. L’Assemblée de printemps ayant lieu souvent avant le dimanche des Rameaux, la cinquième semaine du Carême, nous y entendons proclamer au cours de la Messe le chapitre 8 de l’évangile selon saint Jean, faisant suite à la rencontre du Christ avec la femme adultère. Jésus, nous dit l’évangéliste, s’adresse «aux Juifs qui désormais croyaient en lui» et nous comprenons bien que l’évangile ne rapporte pas les paroles du Seigneur seulement pour nous renseigner sur des dialogues qui ont eu lieu il y a deux mille ans, mais parce que nous, qui prétendons croire en Jésus et pensons pouvoir parler en son nom, risquons toujours de tomber dans l’aveuglement
et même le meurtre. Car, dans la bouche de Jésus selon saint Jean, le péché a toujours à voir avec la mort et le meurtre. De même que ceux qui pensent voir justement, comme Dieu voit, sont selon Jésus les vrais aveugles, ceux qui prétendent ne pas être esclaves des passions et des vices sont les vrais esclaves, cela nous a été rappelé avec force mercredi. L’évangile nous avertit ainsi que le risque est grand que ceux qui se réclament de Dieu abusent de lui pour établir leur autorité, leur pouvoir, satisfaire, consciemment ou non, certaines passions ou pulsions qui les habitent. Seul Jésus est le Fils, l’Envoyé qui rend présent le Père en sa bonté et sa puissance de vie. Nous, humains, ne pouvons être fils ou filles que par lui et en lui, le Fils unique. Tous, nous avons en nous un lien avec le diviseur qui est aussi le meurtrier, celui qui veut la mort de l’autre et nous ne pouvons pas nous en croire facilement indemne.
C’est la perception de ce mystère d’iniquité qui fait entrer dans l’humilité véritable, celle qui nous unit au Fils en son abaissement, celle qui nous tient à distance de la force meurtrière qui habite l’humanité. L’Église est sainte, sans doute, parce qu’elle est sanctifiée par le Christ sa Tête, mais jamais elle ne doit négliger, en elle-même et en chacun et chacune de ses membres qu’elle est tirée du péché. Sans cesse, nous devons, dans l’Église, nous souvenir que les membres du Christ peuvent se blesser les uns des autres. C’est une manière de comprendre le geste de Jésus lors du lavement des pieds et aussi son bouleversement dans son agonie. Il place ses disciples dans une telle proximité les uns à l’égard des autres qu’ils risquent de se faire du mal même en pensant chercher le bien et certains pourraient même chercher à confisquer à leur profit ce qui leur est donné pour le bien de tous. Jésus lave les pieds de ses amis, mais il n’en reste pas là. Il verse son sang. Notre foi a une dimension dramatique car il s’agit bien d’un combat contre les puissances du mal à l’intime des libertés et à l’échelle de l’humanité entière comme du cosmos. Le Seigneur lave les pieds de ses disciples, et ce geste humble mais simple à accomplir annonce le dépouillement total, sans mesure, qu’il consent et l’affrontement si intense dans lequel il est entré pour nous libérer.
Nous ne pouvons pas nous contenter de le regarder ; nous devons et nous voulons, dans la foi, avancer à sa suite, humblement et avec courage. Nos mesures de prévention, le travail sur la juste relation pastorale, les cellules d’écoute, la justice canonique, les instances de reconnaissance et de réparation, mais encore nos transformations quant à la formation des prêtres, nos progrès dans l’accompagnement des évêques et ceux que nous voudrions vivre dans l’accompagnement du ministère et de la vie des prêtres, nos efforts pour la formation des évêques aux visites canoniques des monastères ou des associations de fidèles menant la vie commune (je voudrais ici mentionner la journée organisée conjointement à ce propos par la CEF et la CORREF le 12 décembre 2023 pour des évêques et des supérieures ou supérieurs religieux et le colloque tenu à l’Institut catholique de Paris récemment à l’initiative de l’Institut Talentheo sur le même sujet), tout cela sont des moyens que l’on peut juger modestes mais qui sont certains de notre participation au grand combat du Seigneur qui sanctifie inlassablement par son sang versé son Église pour le bien du monde entier. Nous nous sommes redit notre détermination à poursuivre humblement, modestement et résolument ce travail et à maintenir ouverte une voie sûre et consolante pour les personnes victimes. Nous nous sommes décidés à exercer la vigilance qui nous revient sur toutes les initiatives possibles, non pas en nous méfiant de toute personne un peu créative mais sans céder à la séduction du succès, sans naïveté sur les
fonctionnements humains, avec rigueur et en nous entraidant.
Nous devons ce travail à notre Seigneur et aussi à tous les fidèles et aux catéchumènes qui viennent à nous, comme les «Grecs» mentionnés par saint Jean en nous demandant : «Nous voudrions voir Jésus». Notre responsabilité de pasteurs est d’œuvrer, modestement mais avec détermination, pour que l’Église puisse être pour eux et pour tous le lieu où rencontrer Jésus et recevoir tout ce qu’il a donné et donne, pour devenir ses frères et sœurs à lui et des fils et des filles du Père, sans être transformés en esclaves par quiconque.
Pour servir ainsi l’œuvre du Seigneur, nous avons à partager le ministère apostolique que nous avons reçu. Mgr Christian Delarbre, archevêque d’Aix et Arles, nous a aidés à réaliser que ce ministère apostolique ne s’exprimait pas tout entier dans le service sacerdotal, dans la célébration des sacrements du Seigneur Jésus, dans l’actualisation du don qu’il fait de lui-même, mais qu’il comportait aussi l’attention à celles et ceux qui pourraient se tenir à l’écart sans oser avancer ou qui seraient tenus à l’écart par les autres. Le ministère des diacres révèle une dimension essentielle du ministère apostolique de l’évêque, que celui-ci ne peut mettre en œuvre adéquatement en restant seul et pour lequel il a besoin d’être aidé et stimulé par quelques-uns, soucieux avec les prêtres et lui d’édifier l’Église du Christ en veillant avant tout sur les plus éloignés pour les aider à venir vers le centre, pour garder le centre toujours ouvert et en attente de ceux ou de celles qui y manquent. Nous avons rendu grâce pour les soixante ans de la restauration du diaconat comme un degré stable du sacrement de l’ordre et surtout pour les hommes qui ont, depuis 1964, accepté l’appel de Dieu par son Église et qui se sont mis au service du Corps du Christ, pour les femmes qui, durant ces décennies, ont soutenu leur mari et l’ont aidé à vivre à la hauteur de son ordination, pour les enfants qui ont accompagné de près ou de loin leur père, engagé dans cette aventure. Les diacres appartiennent désormais à la figure essentielle d’un diocèse en France. Évêques, nous trouvons de la joie à œuvrer avec eux et nous sommes pleins de reconnaissance pour ce qu’ils rendent possible, ce qu’ils donnent à voir et à partager de la grâce du Christ. Par eux, notre Église, visiblement, dépasse ses frontières visibles, et ses membres fatigués, usés, endormis, blessés, abandonnés, méprisés sont présents à nous. Nous repartons avec la conscience qu’il nous revient de donner aux diacres de nos diocèses des missions claires, qui expriment la raison d’être réelle du diaconat et qui rendent un peu palpable l’Eglise comme Corps du Christ envoyé en ce monde pour ceux et celles qui veulent bien se reconnaître pauvres et en attente du Sauveur.
Notre action de grâce pour les diacres a été renforcée encore par l’achèvement, au moins pour un temps de notre réflexion sur les ministères institués, ministères laïques du lecteur, de l’acolyte et du catéchiste. Nous avons reçu de la Commission compétente de notre Conférence une note qui décrit un cadre suffisamment précis pour que nous appelions, dans nos diocèses, des hommes et des femmes à les recevoir et à les exercer. Nous avons voté le rituel de l’institution d’un catéchiste, il s’ajoute à celui de l’institution d’un lecteur et d’un acolyte. Le temps est venu de lancer les filets, d’appeler et d’envoyer. Dans cinq ans, nous pourrons faire le point et ajuster ce qui devra l’être. Mais l’avenir de l’Église passe certainement par la capacité des communautés chrétiennes à repérer et reconnaître les charismes, les dons, reçus par tel ou tel de leurs membres et à présenter ceux-là à l’évêque pour qu’il les institue pour le bien de tous. Chaque diocèse aura sans doute sa manière à lui de faire, mais nous avons confiance qu’ainsi une figure commune se dessinera peu à peu. Car c’est le mouvement même du Christ, «consacré et envoyé», l’avons-nous entendu dans l’Evangile de ce matin, que de partager ce qui lui est le plus propre et de donner à certains de l’exercer en son Nom pour le bien de beaucoup d’autres. Déjà, nous saluons celles et ceux qui répondront à cet appel et qui nous rejoindront pour prolonger la mission, l’envoi, de l’Église vers tous les humains et toute la création.
Nous avons pu entendre un compte rendu, général mais intéressant, des «visites fraternelles» en cours entre les Séminaires et maisons de formation de France, y compris le Séminaire français de Rome. Le rapport de chaque visite est remis au Supérieur et aux évêques directement concernés, mais l’exercice lui-même, bien accueilli dans toutes les maisons, est utile. L’occasion est bonne ici de remercier toutes les équipes de formation des Séminaires et les enseignants des Séminaires et des Facultés de théologie ou de philosophie ou de droit canonique que les séminaristes fréquentent. Avec des équipes réduites, un travail de bonne qualité se fait au service de la croissance humaine et de la formation intellectuelle et spirituelle de ces jeunes hommes. Nous relevons aussi que la décision prise en novembre 2021 qu’une femme ou un couple soit intégré dans tout conseil de Séminaire a été appliquée à peu près partout et que tous s’en trouvent bien. Il n’en reste pas moins que des décisions importantes sont devant nous : le petit nombre des séminaristes rend plusieurs maisons fragiles mais plus encore la question doit être examinée de ceux et celles qui pourront constituer les équipes, soit d’enseignants soit de formateurs, dans les cinq et les dix ans à venir. Plusieurs idées ont été échangées, avec une belle audace, dont celle d’une formation en alternance ou d’un répertoire des prêtres titulaires d’un doctorat ou d’une licence ou en train de préparer l’un de ces diplômes. Notre assemblée souhaite pouvoir reprendre le sujet des Séminaires et des lieux de formation des prêtres en novembre prochain. Je voudrais ajouter ici un salut de notre part à tous les séminaristes de nos diocèses. Le rassemblement du début décembre 2023 a été un des grands moments de cette année qui en a compté plusieurs. Nous avons été impressionnés par l’engagement, le sérieux, la détermination des séminaristes rencontrés. Surtout, nous voulons le dire à tous, notamment aux jeunes : servir le Christ comme prêtre diocésain, c’est entrer dans l’histoire spirituelle d’un peuple et lui permettre de progresser encore ; c’est apporter les gestes du Christ Jésus à ceux et celles qui s’en approchent ; c’est faire retentir la Parole de Dieu jusque dans son incarnation. N’ayez pas peur d’écouter en vous l’appel de Dieu. Ayez confiance que le Seigneur vous aidera à unifier votre personnalité pour son service !
Réfléchir sur le ministère ordonné des diacres et sur les ministères institués des lecteurs, acolytes et catéchistes, évoquer les Séminaires et les futurs prêtres, tout cela prolongeait notre travail de novembre sur la mission de l’Église dans un monde sécularisé et pluri-religieux. Cette mission s’exerce par des personnes, variées, de statut divers, qui toutes renvoient au Christ, le Fils unique, seul GrandPrêtre. Cette mission s’exerce aussi par des moyens matériels.
Nous avons travaillé sur les radios chrétiennes, ou plutôt nous avons bénéficié du grand travail de mise à plat et de réflexion qui a été accompli par une remarquable équipe menée par Mgr François Touvet, alors évêque de Châlons et désormais coadjuteur de Toulon, une équipe de professionnels qui ont accepté d’apporter leur expertise critique et bienveillante sur le paysage des radios chrétiennes. Nous les remercions du fond du cœur et nous formons le vœu que la décision que nous avons prise ce matin aboutisse à un résultat qui fasse honneur à leur implication généreuse. Les moyens techniques et technologiques se transforment, ce qui rend certains fonctionnements obsolètes et qui ouvre d’autres opportunités. Les années 80 avaient vu l’émergence des « radios libres » et ce fut comme l’ouverture
des fenêtres dans une maison fermée. Des sons, des voix inattendues, ont jailli, parmi lesquels une efflorescence de sons chrétiens. Aujourd’hui, nous, évêques, formons le vœu de pouvoir constituer un média catholique aux canaux multiples qui abrite toutes les réalités qui voudront se mettre sous son aile, afin que ces réalités puissent mieux échanger entre elles, de s’entraider, de se compléter tout en se respectant mutuellement, de créer davantage et mieux en s’encourageant mutuellement. La diffusion radiophonique, sans aucun doute, suppose des moyens techniques, mais l’essentiel se joue dans des équipes de personnes qui produisent des émissions, cherchent ce qui peut être intéressant ou utile ou réjouissant pour les auditeurs, composent des programmes, offrent à ceux et celles qui ont
à partager, connus ou inconnus, la possibilité de se faire entendre de beaucoup d’autres. Merci, vraiment, de tout cœur, aux rédacteurs en chef, aux directeurs, aux journalistes, aux techniciens, aux présidents et membres des conseils d’administration ou d’orientation de nos radios diocésaines. Votre travail, depuis des décennies, permet à la voix de l’Église d’être entendue loin des lieux eucharistiques et sacramentels, et à l’oreille des chrétiens d’écouter des témoignages et des réflexions variées. Nous souhaitons que le travail que nous avons décidé d’ouvrir sur la recommandation de l’équipe de réflexion mentionnée vous offre des belles opportunités de développement dans le contexte technique et économique présent.
J’ajoute, mais très brièvement, que nous sommes décidés aussi, ayant reçu des conseils avisés, à revoir nos systèmes informatiques pour les rendre plus solides et mieux à même de nous rendre les services que nous pouvons en espérer pour soutenir la mission.
En ouvrant cette assemblée mardi matin, j’avais essayé de justifier le fait que nos sujets de travail pouvaient paraître très internes, trop ecclésio-centrés. Nous avions besoin de prendre le temps nécessaire pour porter à leur achèvement des chantiers en cours depuis longtemps. Il nous fallait aussi consacrer le temps nécessaire à nous ajuster les uns aux autres face à nos responsabilités pour aujourd’hui et pour demain.
Nous ne sommes pourtant pas restés seulement occupés de notre organisation interne. Loin de là. Permettez-moi de vous partager trois sujets de préoccupation pour notre pays ou pour l’humanité entière sur lesquels nous croyons de notre responsabilité, Mesdames et Messieurs, chers Frères et Sœurs, chers amis, vous tous qui écoutez ou lisez ce discours de clôture, de vous partager quelques réflexions ou quelques appels.
Tout d’abord, la loi en préparation sur la fin de vie. Nous avons commencé, mardi matin, par voter et publier une déclaration sous le titre : «Ne dévoyons pas la fraternité !». Je vous invite à la lire, si ce n’est déjà fait. Nous sommes convaincus que notre pays mérite mieux qu’une «aide active à mourir». Nous pouvons, comme êtres humains, nous aider et nous accompagner mieux dans la fin de vie, dans la maladie, dans la douleur, et nous pouvons, comme société, mobiliser des moyens médicaux et techniques mais aussi des énergies et de l’intelligence en matière de formation et d’accompagnement, nous soutenir aussi mutuellement afin que chacun puisse mieux aider ses proches. Nous pouvons aussi, comme êtres humains, nous retenir de demander aux autres ce qu’ils ne pourraient nous donner sans s’abîmer eux-mêmes et abîmer tout un système social. Il est de notre devoir, à nous comme à d’autres, de rappeler la différence infinie entre «laisser mourir» et «faire mourir». Il est de notre responsabilité, à nous chrétiens, avec d’autres, comme d’autres, mais à nous comme disciples du Christ Jésus, mort pour nous et ressuscité pour notre vie, de choisir résolument de nous tenir aux côtés des personnes en fin de vie en cherchant les manières variées et différenciées dont nous pouvons traduire notre proximité et d’entretenir en nous la conviction que tout être humain compte pour nous.
Ensuite, l’enseignement catholique. Ce n’est pas qu’un sujet de catholiques. Il concerne tous les citoyens français. La loi Debré, en reconnaissant le caractère propre de l’enseignement catholique, a accepté celui-ci comme un partenaire bienvenu du service public de l’éducation. La République manifestait ainsi qu’elle promouvait la liberté des citoyens et encourageait leurs initiatives, notamment pour mettre en œuvre la liberté d’enseignement et la liberté de choix des familles. A ce titre, bien des aspects de la vie des établissements sont financés par l’argent public et il est légitime et souhaitable que la régularité de l’usage de cet argent soit vérifiée, comme pour toute autre réalité. Comme évêques, nous l’acceptons volontiers, comme le Secrétaire général y a appelé. Dans ce même esprit, l’enseignement catholique participe volontiers à l’évaluation des établissements, selon des modalités propres qui respectent la liberté éducative et pédagogique des établissements, fruit du caractère propre. Car ce que la loi appelle «caractère propre» comporte, certes, la possibilité d’une catéchèse et l’annonce du Seigneur Jésus, mais consiste encore en un esprit éducatif propre qui doit permettre d’accueillir tout élève sans discrimination tout en l’appelant à adhérer à un projet éducatif exigeant, nourri de la tradition éducative chrétienne. Nous tenons, comme évêques, à ce que les établissements soient pensés comme des «communautés éducatives» et, sans naïveté, sans se payer de mots, dans la vérité, se rendent capables d’accueillir tous ceux et celles qui désirent participer à leur projet. Nous croyons profondément que l’école n’est pas qu’un lieu d’instruction et de formation, mais un lieu et un temps de croissance de la liberté qui s’arme, si l’on peut dire, de moyens de compréhension, d’analyse, de réflexion, d’évaluation et de décision, qui se fortifie dans la relation avec les autres et qui découvre sa capacité à s’ouvrir à plus grand que soi. Rencontrer Dieu qui parle et se confronter à sa Parole est le plus beau cadeau qui puisse être fait à la liberté pour qu’elle entre dans l’aventure de la vie avec exigence et confiance.
Enfin, l’Europe. Au mois de juin auront lieu les élections pour le Parlement européen qui détermineront aussi la composition de la prochaine Commission européenne. Lors de chacune de ces élections, nous rappelons nous évêques, qu’il s’agit de prendre une décision pour l’Union Européenne et non pas d’exprimer notre approbation ou notre ressentiment ou notre déception à l’égard de notre gouvernement national. Nous rappelons aussi que ces élections sont importantes, qu’elles relèvent de notre responsabilité de citoyens et qu’il importe donc de s’inscrire sur les listes électorales si ce n’est déjà fait et d’aller voter le jour venu. Au moment où nous sommes, je voudrais dire fortement que l’Union Européenne, même si elle en prend souvent l’aspect, n’est pas qu’une union économique ou commerciale. Elle est une aventure spirituelle. Elle est le fruit de la décision de pays qui se sont souvent fait la guerre au long des siècles de se lier les uns aux autres pour apprendre à vivre dans une paix qui ne soit pas une juxtaposition plus ou moins pacifique mais une collaboration et une entraide aussi large que possible. Alors que la guerre fait encore rage entre l’Ukraine et la Russie, il est bon de réaliser que l’Ukraine résiste pour sa liberté et, partant, pour la nôtre, pour que nos sociétés continuent d’être fondées sur l’accord des libertés et non pas surtout sur le poids de l’histoire. Que nous le voulions ou non, l’Europe a fortement marqué l’histoire du monde. On évoque beaucoup aujourd’hui son déclin et il y a des raisons à cela. Mais si certains pays européens ont été tentés par la conquête du monde, ce qui caractérise l’Europe, c’est plutôt le respect et la promotion de la liberté et de la singularité de chaque peuple, et à l‘intérieur de chaque peuple, la liberté et la singularité de chaque personne humaine, l’espoir qu’une coopération de ces singularités est possible et débouche sur un meilleur. Notre vote, le 9 juin, ne doit pas être un vote de renoncement par l’Europe à sa responsabilité universelle ni un vote de renoncement par notre pays à sa responsabilité à l’égard du monde entier. Il devrait plutôt être un vote qui manifeste notre engagement à servir la liberté de penser et d’agir et d’œuvrer ensemble de notre pays comme de tous les pays. Je vous recommande à tous de guetter la publication prochaine d’une lettre pastorale consacrée à l’Europe par les évêques de l’Euregio : l’archevêque de Luxembourg, les évêques de Metz et Verdun, Nancy et Toul, Troyes, Trêves, Liège, sous le regard du vénérable Robert Schumann. Au-delà de l’Europe, bientôt, les Jeux Olympiques et Paralympiques qui se préparent, offriront à notre pays l’occasion d’accueillir le monde entier et de donner à l’humanité entière, à travers les diffusions télévisées, un signe d’amitié et d’hospitalité, d’attention mutuelle et d’espérance que la diversité de l’humanité peut nourrir une communion plus riche. Nous encourageons celles et ceux qui portent le projet «Holy Games» et ceux et celles qui les rejoindront à Paris, à Saint-Denis, Aubervilliers ou La Courneuve et ailleurs, pour que la dimension spirituelle du sport soit honorée aussi.
Jeudi soir, dans la prière du chemin de la croix, nous avons voulu porter quelques grandes intentions du moment, en accompagnant Jésus dans sa Passion. Notre frère évêque ukrainien, notre frère évêque arménien, nous ont aidés à méditer chacun deux stations. Deux autres ont été méditées grâce à un texte préparé pour nous par l’évêque auxiliaire du Patriarcat latin de Jérusalem Mgr Rafic Nahra. Deux autres par Mgr Daucourt, évêque émérite qui anime depuis plusieurs années une maison où il accueille des prêtres en situation difficile, y compris des prêtres coupables de violences sexuelles. Deux autres encore par un diacre et deux par un évêque. Nous allons repartir pour aller célébrer le dimanche des Rameaux, l’entrée de Jésus à Jérusalem, lorsque les foules sont venues l’acclamer. Vendredi, VendrediSaint, tous les chrétiens prieront pour notre humanité que Dieu a suscitée pour lui partager l’intensité et la joie d’être et de vivre. Tous, frères et sœurs, chers amis, les yeux fixés sur Jésus-Christ, nous ouvrirons notre cœur à celles et ceux qui nous entourent, à celles et ceux qui souffrent, de la guerre comme en Israël, en Palestine, en Russie, en Ukraine, en Arménie, de la violence politique comme en plusieurs pays d’Afrique ou en Birmanie, de la peur du lendemain, de l’inquiétude pour l’avenir, de la maladie et de ses effets.
Nous, chrétiens, savons que nous avons besoin de Jésus, de cet homme unique qui était Dieu lui-même fait homme. Nous avons besoin, même, de chacun de ses gestes. Mardi après-midi, Mgr Étienne Vetö nous a présenté quelques thématiques qui rendent important le mille sept-centième anniversaire du concile de Nicée qui sera fêté en 2025, année sainte à Rome, année jubilaire. Pour la première fois, en 325, les évêques avaient pu se réunir, presque tous, au moins symboliquement, pour s’accorder sur la foi et la manière de la dire. Ils ont choisi alors le mot «consubstantiel» pour dire que le Fils venu en notre condition humaine et en notre histoire, préparé par la longue histoire du peuple d’Israël, ce Fils était Dieu même, l’engendré et l’envoyé du Père. Nul moins que Dieu ne vient pour sauver l’humanité, la rejoignant dans sa mort pour la tirer vers la vie pour toujours. Nul ne nous révèle davantage qui est Dieu, non pas la possession solipsiste de soi mais le don de soi pour que l’autre vive, ni par conséquent qui est l’homme, créé à l’image et la ressemblance de Dieu. Permettez-moi de vous le dire : nous avons
eu ici beaucoup de joie à prendre du temps pour contempler ce que l’on peut appeler le mystère de Jésus et l’incroyable beauté du fait de l’incarnation.
Nous trouvons décidément ici à Lourdes un cadre propice pour nos assemblées. Sous le manteau de Marie, la «Belle Dame», la fille de Sion par laquelle Jésus est consubstantiel à nous en son humanité et avec l’intercession de sainte Bernadette, tout nous appelle, ici à Lourdes, à servir le Corps du Christ en ayant au cœur ses membres les plus humbles. La qualité de l’accueil et la disponibilité du recteur, des chapelains, des sacristains, des gardiens, des personnes qui servent les repas à l’accueil NotreDame nous sont des exemples stimulants pour nos propres attitudes. Mgr Jean-Marc Micas, Monsieur le Recteur, nous partageons votre joie à tous de voir revenir les pèlerins. Nous espérons pouvoir confier un jour la transformation missionnaire de nos Églises particulières à Notre Dame dans une nouvelle basilique mineure, capable d’accueillir les supplications des pèlerins, à Notre Dame de Boulogne. Permettez-moi d’exprimer ici nos remerciements à l’équipe Événements et Sessions de notre Conférence et aux personnes qui sont venues les rejoindre ici pour nous accueillir au mieux, soutenir nos travaux et notre prière.
Maintenant alors, nous allons rentrer et retrouver nos cathédrales en cette Semaine sainte, partageant l’attente de l’archevêque de Paris et du monde entier de la réouverture de Notre-Dame de Paris. En tous nos diocèses, les cathédrales sont le signe, dressé dans la ville, du grand acte de Jésus. Conscients de nos faiblesses, conscients de la terrible et redoutable fragilité de l’être humain, qui peut faire tant de mal et qui peut faire tant souffrir, mais contemplant le chemin de l’amour qui nous est dévoilé et reconnaissants pour les aides nombreuses qui nous sont apportées de bien des côtés, nous allons célébrer avec les fidèles des diocèses qui nous sont confiés la Passion du Seigneur. Les prêtres nous sont indispensables en ces jours comme tous les autres jours pour apporter aux chrétiens la consolation des gestes de Jésus et les diacres nous aident tous à penser à ceux et celles qui en sont privés.
En lui, Jésus, nous contemplons que des relations peuvent être pures sources de vie et de joie. En lui nous puisons le courage et l’énergie nécessaires pour mener avec lui le travail, le combat qu’il nous rend possible pour veiller à la qualité de toutes les relations pastorales. En lui nous voulons puiser la force de la persévérance pour rendre nos Églises particulières toujours plus respectueuses de tous et de chacun, toujours plus attentives à celles et ceux qui souffrent, au-dedans et au dehors, et aussi toujours plus audacieuses pour proclamer : «En toi est la source de la vie. Par ta lumière, nous voyons la lumière».
Je vous remercie. »
Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, Président de la Conférence des évêques de Franc