Discours de la Sénatrice Maryse Carrère à l’occasion de la réouverture de la séance du Sénat réuni de droit en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale

Temps d’expression sur la situation politique nationale ce jeudi 18 juillet 2024 par Maryse Carrère, Présidente du RDSE, au Sénat.

A l’occasion de la réouverture de la séance du Sénat réuni de droit en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale, tel que prévu à l’article 12, alinéa 3, de la Constitution, cette dernière était suivie d’un débat sur la situation politique du pays après les résultats des élections législatives. Faute de Gouvernement nommé, et donc d’ordre du jour proposé, la session sénatoriale se termine pour reprendre à la rentrée.

« Monsieur le Président, Mes chers collègues,

Depuis le second tour des élections législatives, nous sommes face à une situation inédite sur les plans institutionnel et politique.

Le scrutin proportionnel n’aurait pas fait mieux : le fait majoritaire s’est évanoui pour laisser place à une assemblée tripartite.

Le Nouveau Front populaire est arrivé en tête mais pas suffisamment pour occuper rapidement le pouvoir.

Renaissance a chuté, mais d’aucun dirait  «pas suffisamment» pour perdre le pouvoir.

Quant au RN, il a fortement progressé et là, heureusement, pas assez pour conquérir le pouvoir.

Pour le moment, faute de majorité claire, c’est la confusion qui prévaut. Depuis lundi, la continuité des services de l’État est assurée par un gouvernement démissionnaire.

En attendant, quelles leçons tirer de tout cela ?

La première, c’est que si l’effet collatéral du front républicain a été la constitution de trois blocs, il a par-dessus tout permis d’éviter le pire, la possible arrivée de l’extrême droite à Matignon.   

Au groupe RDSE, nous nous sommes tous mobilisés pour que cela n’arrive pas ! Nous nous réjouissons de la mobilisation de tous ceux qui ont permis à la France de rester fidèle à ses valeurs de solidarité et de fraternité. Dans les moments difficiles, notre démocratie s’est montrée bien vivante.

C’était aussi une nécessité vis-à-vis de l’Union européenne qui compte toujours sur la France pour jouer un rôle moteur et réciproquement.

Le second enseignement, c’est que nous gagnerions en politique à préférer le temps long à l’immédiateté. L’avenir de notre pays mérite que le temps politique reprenne ses droits sur le temps médiatique.

C’est un peu le cas par la force des choses : l’absence de consensus au sein du NFP pour trouver le Premier ministre idéal aura eu raison des injonctions faites par la France insoumise à l’égard de l’ancienne majorité pour qu’elle quitte le pouvoir dès le lendemain du second tour.

Il faut mettre à profit ce temps long pour se départir de tout sectarisme et regarder la réalité en face.

Les trois précédentes dissolutions avaient appris à cohabiter. Aujourd’hui, il s’agit d’apprendre à coaliser. C’est vrai, c’est un peu étranger à la culture politique française.

Au RDSE, on sait ce que cela signifie ; se retrouver sur des grands projets lorsque ceux-ci nous semblent aller dans le sens de l’intérêt général ou des valeurs républicaines inscrites au cœur de la charte de notre groupe.

Bien entendu, la culture du compromis suppose que soit dépassé le culte du chef ainsi que l’horizon qui l’entretient, celui de l’élection présidentielle peu propices aux accords de gouvernement. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le RDSE a souvent défendu le mandat présidentiel de 7 ans non renouvelable.

Dans ce contexte, quelle place pour le Sénat ?

Dans la perspective d’une activité législative ralentie, c’est plus que jamais le moment pour notre institution de jouer à plein son rôle de gardien des institutions, de contrôle des politiques publiques et de leur évaluation.

Mais aussi, notre assemblée ne devra pas être à contre-courant des messages envoyés par la majorité des électeurs.

La majorité sénatoriale ne devra pas se perdre pour des mesures sociétales conservatrices, quand il y a tant à faire sur le plan social.

Le Sénat devra être ouvert à une fiscalité plus juste et redistributive, qui supposera la levée des tabous sur la contribution inéluctable des plus fortunés.

Il ne faudra pas éluder la question de la sécurité, ne pas laisser ce champ à l’extrême droite sans pour autant la traiter sous l’angle des discriminations et des atteintes aux libertés publiques.

Là où nous sommes le plus souvent à l’unisson, il nous faudra poursuivre notre travail transpartisan en faveur des collectivités locales, des services publics, de l’école, de la santé, du logement…  

Mes chers collègues, il nous faudra -en somme- sortir de nos habitudes, prendre exemple sur nos amis belges, allemands, espagnols régulièrement rompus aux grandes coalitions.

Le sursaut du second tour a donné un sursis qu’il faudra mettre à profit pour une France qui renoue avec la promesse républicaine d’une égalité des chances et d’une vie meilleure où que l’on vive ou d’où que l’on vienne. Nous devons avoir quotidiennement à l’esprit cette responsabilité. »