Lourdes : Hommage-Portrait d’Irène LAMBERTON qui vient de nous quitter

Le 23 décembre dernier, Irène LAMBERTON, ancienne professeur d’art dramatique au Conservatoire de Marseille, installée à Lourdes depuis plus d’une vingtaine d’années, nous a quittés à l’âge de 94 ans (née en 1926 à Alger – décédée en 2021 à Lourdes).

Ses obsèques ont eu lieu le 29 décembre à 16h15 à l’église Saint Jean-Baptiste de Lannedarré où un hommage lui a été rendu avec une vive émotion par la comédienne lourdaise et ancienne élève Jeanne MONTAIGU au nom de tous « ses enfants de théâtre ». Elle a interprété un texte de Francis JAMMES « Rosaire » choisi par ses anciens élèves car d’une part Mademoiselle LAMBERTON était très croyante et elle aimait beaucoup cet auteur et d’autre part, elle avait fait travailler autrefois ce texte à Jeanne MONTAIGU.

Jeanne MONTAIGU rendait visite à Irène LAMBERTON à la Résidence « La Madone »
Visite d’anciens élèves du Conservatoire d’Art dramatique de Marseille à Irène LAMBERTON leur ancienne professeur (à gauche Marc De NEGRI, comédien marseillais, au centre Jeanne MONTAIGU installé à Lourdes, à droite Dominique SCHNEIDER comédienne marseillaise)

Daniel MESGUICH sur francetvinfo

Hommage de Daniel MESGUICH, acteur, metteur en scène de théâtre, écrivain, récitant et professeur d’art dramatique, directeur du Conservatoire national de Paris, à son professeur Irène LAMBERTON qu’il surnommait « la Dame de l’ombre ».

La journaliste d’origine lourdaise Béatrice ROUQUET l’avait interviewée lorsqu’elle était venue s’installer à Lourdes : « Comment est née votre vocation pour le théâtre ? »

« Dès l’âge de 6 ans, je me suis adonnée au solfège. J’ai appris à chanter les notes, j’ai fait du piano. À 14 ans, j’ai rejoint la classe du conservatoire d’Alger. J’ai ensuite fait des rencontres qui m’ont incitée à poursuivre dans cette voie. J’ai fait du chant, de l’opéra-comique, de l’opérette, de la tragédie, de la comédie. Après avoir enseigné à Alger durant huit ans, j’ai rejoint Marseille, où je suis devenue professeur de diction, puis d’art dramatique. Je suis très attachée à Lourdes. J’y suis venue très souvent en pèlerinage, d’Algérie puis de Marseille. » Article du journal LA DÉPÊCHE, écrit par Béatrice Rouquet, le 18/01/2009.

Portrait d’Irène LAMBERTON par sa petite-cousine Corinne Lamberton, lu lors de la messe des obsèques :

« Irène, était toute petite et semblait fragile mais elle était en réalité bien plus forte que nous tous. Sa force et sa foi lui ont permis de traverser et de surmonter bien des difficultés : les désillusions du métier difficile de comédien, la déchirure de laisser sa terre d’Algérie, la maladie aussi… Elle était généreuse, bienveillante, protectrice, perfectionniste, volontaire, fidèle, honnête, droite, fervente croyante, aimante.

Elle a consacrée toute sa vie à son métier, le théâtre, à ses élèves et à sa famille. Elle était tournée vers les autres. Après une vie bien remplie et vouée à l’art, elle est venue se retirer avec sa sœur Marinette et son amie d’enfance Suzanne à Lourdes pour retrouver sa famille mais aussi parce qu’elle avait un lien très fort avec la Cité Mariale et tout particulièrement avec Notre Dame de Lourdes. Elle venait régulièrement au Sanctuaire prier et donner des messes au nom de ses chers disparus.

Elle n’a pas eu d’enfant mais nous étions tous ses enfants. Tout d’abord, tous ses élèves, qu’elle a souvent connu enfants ou adolescents et qu’elle a suivi tout au long de leur vie d’adulte. Même éloignés, les liens n’ont jamais été coupés avec ses élèves. Elle avait pour chacun d’eux une grande tendresse et une grande fierté. En retour, Ils ont tous eu pour leur professeur, qu’ils appelaient affectueusement « Tantine » ou « Mademoiselle » de grandes marques d’attention : en lui rendant visite chez elle ou plus tard à la maison de retraite de la Madone, en lui envoyant des lettres, en l’appelant au téléphone pour prendre de ses nouvelles, en lui offrant des fleurs pours son anniversaire, en répondant toujours présent pour ses projets de théâtre à Lourdes.

Puis, nous, sa famille et proches sur qui elle a veillé et nous qui l’avons entouré de toute notre affection. Elle avait d’ailleurs, avec le petit dernier, Thomas, 17 ans aujourd’hui, noué une grande complicité et pour qui elle avait une très grande affection. Irène a toujours été là pour nous réconforter, nous consoler, nous sermonner parfois, nous montrer la voie… Elle nous a enseigné ses valeurs : travailler sans relâche, ne jamais abandonner, persévérer, croire et donner. Irène a été pour nous tous notre bonne fée, notre guide et nous a ouvert en grand son cœur.

Au sein de la grande famille du théâtre, Irène Lamberton a écrit une belle histoire. En témoigne le Molière offert par ses anciens élèves qui, répartis entre la France et l’Algérie, se sont réunis pour fêter ensemble son 80ème anniversaire.

Aujourd’hui installée à Lourdes, Irène Lamberton a découvert l’art dramatique durant son enfance.

À 14 ans, elle a rejoint la classe du conservatoire d’Alger. Quatre ans plus tard, ayant décroché toutes les récompenses, elle fit la connaissance de Béatrice DUSSANE, de la Comédie-Française, et amie du Directeur des Beaux-arts d’Alger.

À sa demande, la jeune Irène interpréta le personnage d’Agnès de «L’École des femmes». Enthousiaste, Béatrice DUSSANE lui conseilla de tenter sa chance à Paris, où elle ne manquerait pas de trouver sa place de comédienne. Pour réaliser son rêve, Irène devait trouver un hébergement dans une pension religieuse de la capitale. Ses recherches furent vaines et elle dut revoir son projet professionnel. Irène LAMBERTON reprit le chemin d’Alger où elle s’inscrivit à des cours de chant pour compléter son parcours musical.

PROFESSEUR PAR ACCIDENT. Dans le même temps, elle entreprit de seconder son professeur de théâtre comme répétitrice bénévole. Tombé malade, ce dernier lui demanda de préparer ses élèves au conservatoire. Quelques mois plus tard, alors que ses élèves s’apprêtaient à monter sur scène pour une représentation, l’une d’elles fut frappée par la fièvre typhoïde. Irène fut sollicitée pour la remplacer dans les 24 heures. Une élève vint à son secours : «Ma mère, couturière, réalisera votre costume tandis que nous répéterons le rôle». Le lendemain, Irène relevait le défi sans savoir que, dans l’assistance, se trouvaient les membres du jury chargés de l’évaluer pour le concours de professeur qu’elle préparait…

Après huit d’années d’enseignement à Alger, Irène LAMBERTON se rendit à Marseille où elle décrocha un poste de professeur de diction. À la demande de ses élèves, le directeur décida qu’elle enseignerait aussi l’art dramatique. Elle confie comment il s’agissait, pour elle, «de savoir ce que chaque élève portait en soi, de connaître ce qu’il aimait ». Au fil des ans, les liens sont restés très forts. Certains ont mené une brillante carrière, à l’image de Daniel MESGUICH, devenu Directeur du conservatoire de Paris ; de Robert CANTARELLA, Directeur d’un établissement culturel parisien ; de la cantatrice Gaëlle MECHALY, de Francis LALANNE, d’Ariane ASCARIDE…

En octobre 2008, les Lourdais ont pu découvrir le spectacle, «L’Homme devant Marie» qu’elle a écrit pour le 150ème anniversaire des Apparitions et qu’interprétèrent plusieurs de ses anciens élèves. »