Une conférence remarquable et remarquée sur les deux grands architectes qui ont façonné l’ancien Lourdes !

Dans le cadre de l’anniversaire des « 160 d’émotions » et du cycle des conférence « Il était une fois Lourdes », ce vendredi 7 septembre à 18h, à la Médiathèque, a été donnée une conférence remarquable et remarquée sur les deux grands architectes qui ont façonné la ville de Lourdes et le Sanctuaire par Janine Colonel, Architecte urbaniste en chef des Bâtiments de France.

Un public nombreux s’était déplacé parmi celui-ci on a pu noter la présence des Maires-adjoints Madeleine Navarro, Marie-José Moulet, Bruno Vinualès, et de la Conseillère municipale Annick Baleri. De façon claire, à travers un diaporama de photos d’époque montrant les divers bâtiments qui ont eu pour architectes, Jean-Marie Lacrampe et Pierre Vago, la conférencière a captivé son auditoire.

Jean-Marie LACRAMPE (1855-1917), fut architecte municipal de Lourdes de 1881 à 1917, et il a laissé son empreinte sur nombre de bâtiments de notre ville, parmi les plus beaux.

Né à Lourdes en 1855 dans une famille de petits commerçants, Jean-Marie Lacrampe est élève de l’Ecole libre des Frères de Lourdes où, brillant élève, il se distingue par ses aptitudes au dessin. Vers l’âge de 16 ans, il entre en apprentissage auprès de l’architecte Louis Soulas, qui deviendra en 1878 l’architecte municipald’Argelès-Gazost jusqu’à sa mort, en 1911. Puis le jeune LACRAMPE monte à Paris et suit les cours des Beaux-arts, parfait son apprentissage auprès de la prestigieuse agence de Paul Selmersheim (1840-1916), architecte diocésain et architecte des Monuments historique deParis. A 20 ans de retour à Lourdes, il collabore au service de l’architecte Hippolyte Durand (1801–1881), spécialiste de l’architecture médiévale. Durand est l’architecte de la basilique supérieure, cette fameuse « chapelle » demandée par la Vierge à Bernadette Soubirous le 27 février 1858. En 1879, âgé de 24 ans, Jean-Marie LACRAMPE s’installe à son compte à Lourdes. Ainsi débute une carrière prolifique qui dure 38 ans.

Jean-Marie Lacrampe a donc été architecte municipal, architecte de l’œuvre de la Grotte, architecte des Maisons religieuses, architecte décorateur et architecte civil. 

Nommé Architecte municipal il travaillera pour 5 Maires. Son travail consistera à accompagner la construction du « nouveau Lourdes », c’est-à-dire le bouleversement urbain d’une petite ville qui devient une cité internationale de pèlerinage.

Il doit diriger des travaux de génie civil (égouts), concevoir des grands monuments publics (école des garçons (1893), abattoirs, halle, kiosque, agrandissement de l’école des filles et de l’hospice ; l’hôtel des Postes (1913-1957), en passant par l’urbanisme (alignements des rues ; conflits cadastraux).

Il réalise également en 1911 l’architecture des « bancs de la Grotte », ces magasins, concédés par bail, alignés sur un terrain municipal. Bel exemple d’architecture commerciale.

Il obtient de la mairie la création d’une école de dessin et d’art décoratif, dont la mission est de former les tailleurs de pierre de Lourdes (on en dénombre plus de 300 à Lourdes à la fin du XIXe siècle). L’idée est de leur transmettre « l’art du dessin », conforme aux nouvelles techniques issues de la géométrie descriptive de Monge.

 Il sera aussi Architecte de l’Œuvre de la Grotte. En 1892, il devient le collaborateur de Léopold Hardy (1829-1894), l’architecte de la basilique du Rosaire qui fut aussi l’architecte en chef des Expositions Universelles de Paris, en 1867 et 1878. À la mort de ce dernier c’est LACRAMPE qui dirige alors la décoration intérieure de la basilique : mosaïques des treize chapelles, mobilier intérieur : autels, ambons… M. Simian, architecte de l’Œuvre de la Grotte et premier adjoint de Hardy, décède à son tour ; Jean-Marie LACRAMPE devient architecte de l’Œuvre de la Grotte en 1894 et le restera jusqu’à sa mort.

Il sera le seul exemple de haut responsable travaillant à la fois pour la Commune et le Sanctuaire de Lourdes.

On lui doit l’agrandissement de plusieurs bâtiments, l’aménagement de chutes d’eau sur le Gave, de la première centrale électrique et de l’Imprimerie (1894-1895), aujourd’hui la librairie, le percement du couloir central de la crypte (1903-1904), la constructions des deux clochetons pour le jubilé du Cinquantenaire des Apparitions (1907-1908), la construction du nouvel Abri des pèlerins (1911-1914), le passage souterrain entre la crypte et la maison des Chapelains, ainsi qu’une nouvelle aile à cette dernière, la Pénitencerie.

Il a aussi été l’Architecte des maisons religieuses de Lourdes. Ainsi, il a agrandi le Carmel de Lourdes et construit sa chapelle. Il achève le couvent des Sœurs Bleues commencé par Simian. Il a agrandi l’hôpital saint-Frai et construit l’école libre des garçons Saint-Joseph…

 Architecte décorateur, Jean-Marie LAACRAMPE dessine beaucoup. Son travail au Rosaire connaît une certaine notoriété, notamment auprès des familles fortunées qui font des dons pour l’accomplissement des travaux. Il dessine des monuments funéraires destinés au cimetière de l’Egalité, pour de grandes familles. Dans ce même cimetière, fin 2015, a été exhumé un monument oublié, le cénotaphe belge, et qui pourtant, sur une plaque de bronze, porte la signature de l’architecte.

Architecte civil, il construit des hôtels somptueux  : l’hôtel Moderne, son chef d’œuvre, commandé Benoite Soubirous, figure typique de ces femmes qui construisirent Lourdes ; l’hôtel Gallia et Londres ; l’hôtel Chapelle & Parc ; l’hôtel Beauséjour.

Il travaille également pour une clientèle privée. LACRAMPE est l’architecte des grands hôteliers lourdais du début du XXe siècle : Benoîte Soubirous lui fait construire la villa qui prendra le nom de son gendre, la villa Roques, siège de l’actuelle Mairie. Somptueuse villa construite en quatre pierres de taille différentes, dans un subtil style néo Louis XIII, fidèle à l’éclectisme architectural de l’époque. Jules Fourneau, propriétaire de l’hôtel d’Angleterre, lui commande sa villa privée, aujourd’hui dénommé château de Soum. Ajoutons la villa Gazagne, et sa propre résidence, 21 avenue de la Gare.

 Le second architecte a avoir marqué Lourdes fut Pierre VAGO


Pierre Vago, fils de l’architecte hongrois Joseph Vago (József Vágó) et de la cantatrice Ghita Lenart, est né à Budapest en 1910 et décédé en 2002. Ses parents émigrent à Rome en 1919. Pierre Vago fréquente à la fois les salons de l’avant-garde artistique italienne et les milieux ecclésiastiques. En 1928, il choisit de poursuivre ses études à l’Ecole spéciale d’architecture de Paris (ESA), qui dans ces années attire souvent les architectes étrangers. En 1932, il est diplômé de l’ESA, où il a suivi l’enseignement d’Auguste Perret.

Il devient un architecte urbaniste qui se montre un infatigable promoteur de l’architecture moderne, en France comme à l’étranger.
Il participe au mouvement de renouveau de l’art sacré, en particulier avec la construction de la basilique Saint-Pie-X à Lourdes (1955-1958) où il coordonne les travaux de plusieurs architectes, dont Pierre Pinsard, et d’ingénieurs, dont Pier Luigi Nervi.

Mgr Théas, évêque de Tarbes et Lourdes a besoin d’une nouvelle basilique pour accueillir des milliers de Pèlerins sur le site du Sanctuaire de Lourdes. VAGO lui propose une basilique souterraine qui pourra en contenir 20 000 à la fois.
Véritable prouesse technique à l’époque puisque pour commencer elle est située sous le niveau du gave de Pau ce qui a compliqué sa conception et mis en difficulté les travaux. C’est un ouvrage en béton armé de forme ellipsoïdale, sa longueur est de 201 mètres, sa largeur de 81 mètres pour une hauteur au centre de seulement 10 mètres. Elle couvre une superficie de 12 000 m2. Sa structure a fait largement appel à la technique du béton précontraint. Elle possède deux larges entrées axialement opposées ; les assises des vingt-neuf portiques en béton précontraint qui soutiennent la voûte sont rejetées en périphérie, permettant à tous les fidèles de voir l’autel qui est situé en son centre, et délimitant vers l’extérieur une large allée périphérique de circulation, menant aux rampes et escaliers d’accès depuis l’extérieur.
Deux chapelles s’ouvrent sur le sanctuaire principal : la chapelle Sainte-Thérèse à l’une des extrémités, la chapelle Pax Christi derrière le siège de présidence.

Un art moderne, qui ne s’attache pas à l’esthétisme, à la décoration, un style dépouillé, qui surprend et qui a eu de nombreux détracteurs. Après les Réformes de Vatican II dans les années soixante cinq soixante dix , bon nombre de religieux se laissent convaincre par les changements et cela se traduit aussi dans l’architecture sacrée.

Pierre VAGO a également construits le bâtiment des Piscines, le pavillon en arc de cercle où sont reçus les pèlerinages.
Puis, dans la même veine moderne, les sœurs du Carmel, (face à la Grotte) suivant les principes de Vatican II, se laissent tenter par une rénovation de leur chapelle qui était de style néo-roman et qui avait été construite par LACRAMPE. Elles font aussi appel à Pierre VAGO qui va la transformer et en faire intérieurement une église moderne, aux murs dépouillés, baissant le plafond, cachant les colonnes, les portiques…

Finalement ces deux grands bâtisseurs auront eu en commun d’avoir été des architectes du Sanctuaire et du Carmel et d’avoir participé au façonnement du « nouveau Lourdes » comme on disait à l’époque mais avec deux conceptions bien différentes de l’architecture.