La rubrique des « coups de cœur Karine » est une rencontre hebdomadaire sur le site de Lourdes Actu, proposée par la Médiathèque avec Karine Aristin Chargée de la culture.
Cette semaine elle vous propose « CHASSEURS DE DRAGONS » de Olivier Weber.
CHASSEURS DE DRAGONS
Voyage en Opiomie
L’auteur : Olivier Weber. Né en 1958. Grand reporter, ayant travaillé pour de prestigieux magazines, globe-trotter infatigable, écrivain, maître de conférences, Olivier Weber fut, aussi correspondant de guerre, et diplomate.
Un grand nombre de ses écrits -romans, essais, récits- a été traduit en plusieurs langues, et son œuvre a, jusqu’ici, été couronnée par une vingtaine de prix littéraires ou journalistiques.
De plus, Olivier Weber, très impliqué dans le domaine humanitaire, a permis, grâce au récit de ses voyages et rencontres, ainsi que son immersion dans la vie quotidienne des autochtones, de porter à la connaissance du monde certaines dérives et injustices, qui -sans son concours- seraient passés inaperçus, tel l’esclavage infantile au Soudan.
Le récit :
De prime abord, une petite leçon de choses. Il faut savoir que derrière la très poétique dénomination : « Chasseurs de dragons », se dissimule une des plus addictives, dangereuses, voire suicidaires activités : le fait de s’adonner à l’opium. Ce sont les évanescentes volutes de fumée, sortant de la pipe qui ont conduit à cette sibylline métaphore. Il arrive que l’on trouve aussi la phrase suivante, pour désigner la même distraction : « chevaucher le dragon ».
Ensuite, une petite explication sur l’opium s’impose : c’est une substance issue du pavot somnifère, contenue dans une capsule dont est pourvue la plante, que l’on incise, lorsque les pétales ont disparu. L’accoutumance à cette substance psychotrope, hautement toxique à plus ou moins brève échéance, est très rapide. De plus, il est extrêmement difficile, au consommateur, de se départir de cette pratique ; et ce, en raison des substances contenues dans l’opium, qui génèrent divers états d’extase, ou d’apaisement, ou tout simplement, d’absence de douleur physique ou psychique, lorsqu’il est sous son emprise.
Ainsi, ce produit, connu depuis la plus haute antiquité fascine volontiers, en regard de sa nature illicite, ou de ses propriétés, du parfum d’exotisme dont il est entouré, ou encore en regard de tous les talentueux artistes qui se sont laissés tenter.
Ainsi, compte tenu, non seulement, des ravages et des états d’esclavage qu’induit la consommation de cette substance, les sommes fabuleuses que sa production draine, et après avoir perdu un ami à cause de cette addiction, Olivier Weber a décidé d’enquêter sur ce fléau.
Les prémices de l’aventure le mènent à l’Ambassade d’Afghanistan à Paris. Car c’est là que tout commence. Puis le voyage proprement dit débute. L’Inde, puis Kaboul où les hommes s’entre-déchirent, dans une guerre fratricide. Ainsi, déjà, puisque nous parlons d’opium, le fossé, entre les protagonistes et leurs propres impératifs, se creuse. Ici, l’on peut mourir de faim. Ici, la guerre tue, et transforme la terre en enfer. Alors pourquoi se polluer l’esprit avec des cas de conscience inutiles ? Si les pays riches ont les moyens de s’adonner à la toxicomanie, pourquoi, ici, ne leur fournirait-on pas ce qu’ils veulent ?
Ce qui m’a plu :
C’est un voyage plus qu’un reportage, qui nous est livré. En effet, Olivier Weber, fort de l’expérience de son périple, des sources géographiques, humaines et historiques, à l’aboutissement du voyage de l’opium, nous entraine dans une épopée, de l’Orient et l’Extrême-Orient à l’Occident. Que ce soit du point de vue du jeune combattant à celui du consommateur, de la genèse de l’engouement pour le produit, à la déchéance des corps, de l’ancien temps en Chine, à aujourd’hui à Paris, et tout ceci, décrit avec une formidable lucidité et un grand sens du réalisme. Tous les aspects de la question nous sont présentés, et c’est ainsi que l’on prend conscience des multiples ramifications inextricables qu’a construit, autour d’elle, cette petite substance végétale qui génère autant de convoitise et attise autant de passion.