Déclaration commune CGT 65 sur le dossier Hermione Retail (affilié Galerie Lafayette) à Tarbes

Communiqué de la CGT 65 et résolution du CSE Central en intersyndicale :

« Le magasin Galeries Lafayette de Tarbes a été acquis en 2018 par la Financière Immobilière Bordelaise (FIB) de la famille OHAYON en même temps qu’une vingtaine d’autres magasins.

L’actionnaire Michel OHAYON déclarait à l’époque « Notre ambition, faire de nos grands magasins, les acteurs incontournables des centres-villes ». Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que cette ambition a été rattrapée par la réalité.

Le groupe et la FIB avaient contracté auprès de la Bank of China trois prêts (56, 70 et 75 millions) pour financer l’exploitation ou le rachat de trois hôtels luxueux : le Grand Hôtel de Bordeaux, le Waldorf Astoria Trianon Palace de Versailles et le Sheraton de Roissy, situé sur le terminal 2 de l’aéroport Charles de Gaulle. Cet empire construit sur la dette avait bénéficié de deux prêts garantis par l’Etat en 2020 et 2021 dans le cadre du rachat de Go Sport pour un montant cumulé de 55 millions d’euros.

Mais au bout du bout, l’empire Ohayon s’est effondré : Camaïeu, Campus Academy, La Grande Récré liquidés, Go Sport et Gap France partiellement repris.
Confronté à cet effondrement et au droit d’alerte économique exercé par le Comité Social Economique Central le 16 décembre 2022, Michel OHAYON a décidé de placer Hermione Retail en procédure de sauvegarde auprès du Tribunal de Commerce de Bordeaux.
Lors de la réunion du CSEC du jeudi 8 février 2024, Michel Ohayon déclare «On est sous la protection du Tribunal de Commerce de Bordeaux […] , qui contrairement à celui de Grenoble, de Paris et de Lille, s’est montré extrêmement bienveillant, [..] il a admis que pendant 35 ans j’ai été mécène de la ville de Bordeaux, que j’ai été loyal avec la ville et dans cette optique, [le tribunal] a protégé mon groupe qu’il estime sain».
Cette déclaration, cet aveu de l’actionnaire principal nous laissent plus que songeurs.
Le principal prêteur de l’investisseur, Bank of China, attend des remboursements d’échéances. Michel Ohayon, dans l’incapacité de faire face à ce plan de remboursement, joue ses dernières cartes.

Sa stratégie ressemble étrangement à celle présentée aux Galeries Lafayette lors du rachat de 2018.
Les seules différences sont le report de remboursement des Prêts Garantis par l’Etat et une pression exercée sur les fournisseurs se traduisant par un «allègement des charges du passé».
Le CSEC rappelle que du point de vue financier, l’effort demandé aux créanciers est considérable, avec un abandon de 70% de leurs créances et un remboursement très différé des 30% restants. Le CSEC souligne qu’aucune garantie n’a été souscrite par l’actionnaire pour assurer l’exécution du plan.
Comme l’écrit le CSE «Force est de constater que ces alertes ont été systématiquement niées ou minimisées par les dirigeants… Force est de constater que les salariés et leurs représentants n’ont jamais été écoutés… jusqu’à arriver à une situation dramatique, où l’emploi de plus de 1.000 personnes est menacé.»

Toutes ces raisons ont conduit le CSE central d’Hermione Retail à adopter le 8 février un avis défavorable à l’unanimité au Plan de Sauvegarde présenté par l’administrateur et le dirigeant.
Voir annexe «Résolution valant avis du CSEC sur le plan de sauvegarde»
«Depuis 5 ans, depuis 1 an de période d’observation, les salarié.e.s ont perdu toute confiance dans leur actionnaire. C’est par leur attachement à leur magasin, à leurs collègues, à leurs clientes, que les salariés continuent jour après jour de se mobiliser, au prix d’une vraie souffrance. Cette souffrance qu’expriment les salariés à travers leurs représentants, et qui se manifeste notamment par un taux d’absentéisme élevé, elle doit être écoutée, elle doit être
entendue.»

L’Union Départementale CGT des Hautes-Pyrénées réaffirme son soutien aux salarié.e.s d’Hermione Retail, affiliés Galeries Lafayette et à notre syndicat.
Nous partageons la position constructive du Comité Social Economique Central visant à une recherche active de repreneurs, recherche qui n’a a jamais été réellement envisagée par Michel OHAYON dont le seul intérêt repose sur l’encaissement des loyers.
Toute notre attention porte sur la pérennité de ce magasin historique de la ville et de Tarbes et le bien-être de ses salarié.e.s. »
Le Bureau de l’UD CGT des Hautes-Pyrénées

Résolution valant avis du CSEC sur le plan de sauvegarde
« Le CSEC d’Hermione Retail est consulté ce jour, 8 février 2024, sur le projet de plan de sauvegarde de la société, placée en procédure de sauvegarde depuis le 22 février 2023.

Le CSEC tient d’abord à rappeler les alertes qu’il a exprimé à de nombreuses reprises, dès le rachat par Hermione Retail, en décembre 2018 : insuffisance grotesque du capital social de 1.000 € (qui n’a été augmenté que par un tour de passe-passe à la limite de la légalité), augmentation non justifiée des loyers de 40% au moment du rachat fragilisant dès le départ l’exploitation d’Hermione Retail, facturation de management fees par Hermione People &
Brands en contrepartie de services inexistants, manque de renouvellement des marques, notamment à la Femme, baisses d’effectif fragilisant le service à la clientèle, non-paiement au moment du rachat du stock initial de marchandises…

Force est de constater que ces alertes ont été systématiquement niées ou minimisées par les dirigeants… Force est de constater que les salariés et leurs représentants n’ont jamais été écoutés… jusqu’à arriver à une situation dramatique, où l’emploi de plus de 1.000 personnes est menacé.

Dès la reprise en décembre 2018, l’actionnaire s’était engagé à rénover des magasins laissés pour certains à l’abandon par l’actionnaire précédent. Dès la reprise en décembre 2018, l’actionnaire s’était engagé à commercialiser les surfaces disponibles auprès d’autres enseignes.
Aucun de ces engagements n’a été tenu, ni de près ni de loin. Le Covid, qui n’a commencé qu’un an et demi après la reprise, ne saurait justifier cette incurie.

La période d’observation n’a pu que confirmer les craintes des représentants du personnel : face aux ruptures d’approvisionnement, les représentants des salariés ont alerté sur la situation de l’entreprise. Force est de constater que le chiffre d’affaires 2023 est inférieur de 10% au budget affiché par les organes de direction, et que la trésorerie n’est restée positive que par un report de paiement des cotisations URSSAF en octobre 2023.

L’ensemble des craintes exprimées depuis plus de 5 ans par les représentants du personnel se sont donc malheureusement concrétisées. Ce constat devrait amener l’ensemble des acteurs du dossier à faire preuve de plus de lucidité et à écouter les salariés, en première ligne face aux clientes, qui connaissent bien mieux leurs magasins que des dirigeants de passage…

Après l’avoir réclamé pendant des mois, le CSEC a enfin pris connaissance avec attention du plan de sauvegarde en janvier 2024.
Le CSEC prend acte que le plan prévoit une continuation de l’activité de tous les magasins sur le périmètre Hermione Retail, et qu’il prévoit la continuation de la même stratégie déjà annoncée au moment de la reprise en décembre 2018 : commercialisation des surfaces disponibles, nouvelles marques…

Le CSEC souligne que les créanciers réunis en classes de parties affectées n’ont pas encore voté sur ce plan, et qu’à la date d’aujourd’hui le principal fournisseur et franchisé, les Galeries Lafayette, n’a pas pris position sur ce plan.
Le CSEC note d’ailleurs que le plan a évolué substantiellement depuis le début de la procédure, par exemple sur la fusion entre Hermione Retail ou TPR (aujourd’hui repoussée), ou sur les suppressions d’emploi au siège et en fonctions régionales. Dans ces conditions, le CSEC n’a pas de garantie sur le fait que le plan qui lui est présenté aujourd’hui sera effectivement celui mis en œuvre.

Le CSEC s’étonne de l’incohérence entre la volonté de simplification juridique (avec le passage sous la FIB) et le plan présenté, qui prévoit toujours le versement de management fees à HPB.
Du point de vue économique, le CSEC relève que le plan repose sur une hypothèse de croissance de 11% en 2024 par rapport au chiffre d’affaires réalisé en 2023. Le CSEC considère que cette hypothèse n’est pas réaliste, et que dès lors c’est tout le business plan qui est fragilisé.

Le CSEC relève que les loyers sont révisés à la baisse, avec l’annulation de la hausse non justifiée de décembre 2018. Le CSEC note toutefois que le taux d’effort locatif reste trop élevé pour permettre un retour durable à la profitabilité, et demande un effort supplémentaire aux sociétés du groupe FIB propriétaires des murs, Hermione Real Estate et Hermione Stores. Le CSEC relève que la contribution des sociétés immobilières au redressement des sociétés d’exploitation, d’un montant de 6 M€, représente moins de 5% des loyers qui seront reversés par Hermione Retail à ces sociétés pendant la durée du plan. En l’état, avec des hypothèses de chiffre d’affaires plus réalistes, la société risquerait d’être dans une impasse de trésorerie dans 12 à 24 mois selon les calculs de l’expert mandaté par le CSEC.
Du point de vue financier, le CSEC relève que l’effort demandé aux créanciers est considérable, avec un abandon de 70% de leurs créances et un remboursement très différé des 30% restants.
Le CSEC souligne qu’aucune garantie n’a été souscrite par l’actionnaire pour assurer l’exécution du plan.

Du point de vue social, le CSEC souligne que le plan de sauvegarde prévoit une réduction très importante de l’effectif du siège et des directions régionales : 25 salariés de moins, soit une baisse de l’ordre de 40%. Le CSEC relève que la façon dont cette réduction pourra être mise en œuvre et dont les effectifs restants pourront continuer à remplir leurs missions de façon satisfaisante n’est absolument pas indiquée par le plan. Le CSEC rappelle que lorsque des licenciements pour motif économique sont prévus, le plan doit prévoir les mesures d’accompagnement associées. Cette obligation n’est pas respectée.

Sur les magasins, le CSEC souligne que les frais de personnel envisagés évoluent moins vite que l’inflation. Ceci laisse supposer une nouvelle réduction de l’effectif, alors même que les magasins sont déjà en sous-effectif flagrant, ou que les rares avantages sociaux qui subsistent soient supprimés.

Après avoir étudié avec attention ce projet de plan de sauvegarde, le CSEC est lucide : pourquoi l’actionnaire tiendrait-il en quelques mois les mêmes engagements pris en décembre 2018 et qui n’ont pas été respectés en plus de 5 ans ?
Jean-Paul Sartre disait « la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres ». Depuis 5 ans, depuis 1 an de période d’observation, les salariés ont perdu toute confiance dans leur actionnaire. C’est par leur attachement à leur magasin, à leurs collègues, à leurs clientes, que les salariés continuent jour après jour de se mobiliser, au prix d’une vraie souffrance. Cette souffrance qu’expriment les salariés à travers leurs représentants, et qui se manifeste notamment par un taux d’absentéisme élevé, elle doit être écoutée, elle doit être entendue.
La santé des salariés a déjà été mise à mal par une politique sociale déplorable, la mise en place d’une annualisation du temps de travail en dehors de toute légalité, des conditions de travail dégradées compte tenu de l’état des magasins (inondations, absence de climatisation…), des salaires rattrapés par le SMIC, l’inquiétude constante sur la pérennité de leur emploi.

Le CSEC est responsable : sa seule boussole est la défense des intérêts des salariés, son seul objectif est la préservation durable de l’emploi dans des conditions de travail acceptables.
Le CSEC a rendu son avis en toute indépendance, sans instrumentalisation de qui que ce soit, et dans le seul intérêt des salariés.

En l’état, sans actes forts de l’actionnaire montrant qu’il a conscience de sa responsabilité et garantissant un redressement durable de l’entreprise basé sur des hypothèses réalistes, le CSEC ne peut qu’émettre un avis défavorable au projet de plan de sauvegarde.
Cette résolution vaut pour avis. »