Audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire de Tarbes

Lundi 20 janvier a eu lieu l’audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire de Tarbes.

Ce fut l’occasion pour la Pésidente du tribunal Muriel RENARD et la Procureure de la République près le tribunal judiciaire de Tarbes Bérengère PRUD’HOMME de dresser un bilan exhaustif de l’année écoulée et les perspectives pour l’année 2025.

Cette audience a en effet permis à la Procureure et à la Présidente d’évoquer les difficultés que rencontres les magistrats dans les Hautes-Pyrénées.

« Si dans la précipitation il ne peut y avoir de bonne justice, la Justice a besoin de temps pour être bien rendue, le temps judiciaire ne peut être évalué à l’aune de la vie quotidienne car notre société vit de plus en plus dans l’instant notamment avec l’évolution des moyens de communication qui a supprimé l’apprentissage de la patience, on veut tout, tout de suite, il n’en demeure pas moins vrai que les citoyens peuvent constater la trop grande lenteur de celle-ci due à Tarbes comme ailleurs au manque de moyens, tant matériels qu’humains. Pour faire baisser durablement ces délais, tant en matière civile que pénale, il n’y a pas de solution miracle : il faut des personnels judiciaires en nombre suffisant pour assurer les missions toujours plus nombreuses qui leur sont dévolues par la loi, et des moyens matériels à la hauteur. »

Dans les points positifs à Tarbes, il y a eu deux ans et demi de travaux qui ont permis que le Palais de justice soit enfin rénové et opérationnel. Des travaux d’ampleur, qui ont touché tous les étages, tous les services. « Nous travaillons désormais tous dans des locaux mieux adaptés, dans des salles d’audience agréables et dotées des moyens techniques nécessaires aux conditions des procès modernes. »

Pour 2024, nous avons entregistré 13 738 affaires nouvelle, soit une hausse de 2,7 % par rapport à 2023, à noter qu’au plan national les affaires nouvelles pour les juridictions de même taille n’ont augmenté que de 1,6 %… »

Lire le discours de la Présidente sous le diaporama-photos.


Discours de la Présidente
« Au nom du tribunal judiciaire de Tarbes, je vous remercie chaleureusement de votre présence fidèle qui nous est toujours aussi précieuse. Je tiens d’abord à cette occasion à saluer Me Christophe JEAN-LOUIS, Bâtonnier sortant dont j’ai beaucoup apprécié au cours de ces deux dernières années les qualités de dialogue et d’engagement au service du barreau et des justiciables, et féliciter pour son élection Me Sonia BERNES-CABANNE, nouvelle Bâtonnière, à laquelle je souhaite un excellent mandat et témoigne de ma volonté renouvelée d’ouverture et de communication entre nos professions.

En cette nouvelle année judiciaire, nous vous devons de rendre compte de l’activité du tribunal pour l’année 2024.

Dans la vague des arrivées des bateaux du Vendée Globe, je vous propose également de faire le tour, non pas du monde, mais plus modestement du tribunal judiciaire en 2024, ce qui sera je vous rassure bien plus bref, mais pas
nécessairement moins mouvementée.
Pour cela je retiendrai seulement votre attention sur certains services, un balayage plus complet de la juridiction étant réalisé sur le résumé d’activité qui vous a été transmis.

-L’année 2024 a tout d’abord été pour nous celle d’un démâtage assez brutal, celui de notre 1ère chambre civile, qui traite du contentieux civil général, puisque nous avons été contraints de voguer toute l’année avec un effectif de magistrats titulaires réduit de moitié. Au final, le taux de couverture affiché, soit le nombre de dossiers sortis par rapport à ceux entrés, accroche les 64%, soit une belle résistance pour les forces en présence, mais néanmoins un petit naufrage pour une chambre importante dont les délais de traitement des procédures se sont envolés. A défaut d’entrevoir à court terme les renforts humains dont nous avons besoin, nous avons largement réorganisé les attributions civiles de certains magistrats afin de ne plus renvoyer d’audience de la 1ère chambre civile, au détriment d’autres services et dans l’attente d’une solution plus pérenne.
Je n’ignore pas que cette situation affecte non seulement les justiciables mais également les avocats dont les dossiers ne peuvent plus aboutir dans des délais raisonnables, de même que les greffiers et magistrats de la chambre qui subissent la désorganisation de l’activité et les tensions subséquentes. J’espère que les actions que nous avons parallèlement menées porteront leur fruits d’ici 2026.

-Le service des affaires familiales a eu pour sa part affaire à une forte houle, confronté à des difficultés en cascade au niveau du greffe, ainsi qu’à la submersion de l’association en charge de l’espace de rencontre Tom Pouce, en charge des droits de visite médiatisés et des passages de bras pour les enfants dans les situations de fort conflit parental, qui a mis brusquement la clef sous la porte à la fin du mois de juin 2024. Mais la coque du bateau de notre 2ème chambre civile, la chambre des affaires familiales, est solide, et l’augmentation du stock reste maîtrisée, l’effort porté sur les capacités de jugement ayant permis de revenir à un délai d’audiencement plus qu’honorable de 4 à 5 mois, tant en matière de divorce qu’en hors divorce, et ce alors que la charge des ordonnances de protection, qui
désorganise significativement l’activité de ce service, a doublé en 2024. Nous pouvons en outre saluer l’ouverture aujourd’hui même du nouvel espace de rencontre de l’UDAF agréé pour le département.

-Le service des tutelles majeurs fait face également à des vents contraires, puisqu’il doit assurer la charge de la réforme du contrôle de gestion des comptes des majeurs protégés : le décret du 2 juillet 2024 prévoit que le juge des tutelles pourra désormais désigner un professionnel qualifié pour exercer ce contrôle, ce qui suppose au préalable de vérifier tous les dossiers, les mettre à jour et déterminer ceux qui sont éligibles à ce dispositif, sur un nombre de mesures de protection en constante augmentation et qui s’établit désormais aux alentours de 4500 dossiers.

-Au pénal, le service de l’instruction, dont j’ai déjà évoqué l’an dernier les voies d’eau provoquées par le retour des affaires criminelles infra-pôles sans le retour corollaire indispensable de feu notre second cabinet d’instruction, continue de voguer au bord de l’abîme, même si notre appel au secours a été entendu par les chefs de cour et notamment par M. le procureur général, que je remercie encore, qui a décidé de suspendre provisoirement cette orientation des dossiers criminels en les confiant au tribunal judiciaire de Pau. Le résultat se fait déjà sentir sur le
nombre de dossiers en cours dont la tendance s’inverse enfin (143 dossiers il y a un an, 120 aujourd’hui, même si la norme admise pour un cabinet est normalement de 60 à 70 dossiers).

-Enfin, le tribunal correctionnel demeure très engorgé, Mme la procureur l’a déjà évoqué, je n’y reviendrai donc pas, sauf à souligner que l’évolution de la nature des affaires met toujours plus sous pression une juridiction pénale insuffisamment dimensionnée pour répondre à l’ensemble des besoins.

Au-delà des chiffres de l’activité contentieuse, je tiens également à évoquer la crise que traverse actuellement le corps des directeurs de greffe, nos précieux collaborateurs, qui ont été oubliés du protocole d’accord sur la revalorisation des métiers de greffe du 26 octobre 2023 et du décret du 3 décembre 2024 portant création d’un corps de cadre greffier. La situation est d’autant plus regrettable qu’au-delà de son injustice, le risque de cette dévalorisation relative de la fonction de directeur de greffe est celui d’une crise du recrutement et d’une perte de la
compétence métier qui nous sera très préjudiciable. L’absence de certains d’entre eux à cette audience est un geste de protestation, aussi je profite de ce moment pour vous redire mon plein soutien à toutes les actions menées pour obtenir votre part légitime de la revalorisation des métiers de greffe.

En ce début 2025, je dresse en inventaire à la Prévert la liste de nos satisfactions : la fin des travaux de restructuration du palais de justice et la réunification des trois juridictions, tribunal judiciaire, tribunal de commerce et conseil des prud’hommes en un seul et même lieu, la mise en œuvre du traitement numérique des procédures pénales avec une efficacité qui doit beaucoup au dynamisme du greffe et au soutien bienveillant de Mme Feuillebois, ou encore l’adoption d’Ubi, premier chien d’assistance judiciaire du ressort de la cour d’appel.

Mais aussi quelques regrets, comme celui d’avoir laissé nos attachés de justice au milieu du gué en renvoyant à plus tard la pérennisation de leurs fonctions, ou encore, dans un tout autre registre, celui de ne pas être parvenus à influer sur le cours de la surpopulation carcérale malgré ses effets délétères.

Et plusieurs inquiétudes : d’abord le possible abandon, du moins partiel, de la loi de programmation 2022-2027 qui nous promettait pourtant de modifier durablement la trajectoire du ministère de la justice, notamment en termes de RH, mais également le mur au pied duquel nous nous trouvons face à l’augmentation exponentielle des affaires criminelles en stock qui menace la plupart des juridictions judiciaires et impacte fortement la charge des juridictions
départementales comme le tribunal de Tarbes. Autre sujet d’inquiétude, ou plus encore de consternation, les attaques d’un autre temps à l’encontre des inspecteurs de l’environnement de l’Office Français de la Biodiversité, auxquels je souhaite aujourd’hui témoigner mon soutien le plus fort.

Nous traversons pour diverses raisons une période assez anxiogène, qui vient, s’agissant de la justice, percuter un métier déjà en tension.

L’Institut des Etudes et de la Recherche sur le Droit et la Justice, l’IERDJ, sensible aux nombreuses manifestations de désarroi et de protestation des professionnels de la justice concernant les conditions d’exercice de leur métier, qui s’étaient notamment exprimés au travers de la «tribune des 3000» parue en novembre 2021 après le suicide d’une jeune magistrate, a engagé un travail de recherche associant universitaires, experts et praticiens sur le travail dans la justice.

Les Etats Généraux de la Justice, au printemps 2022, ont également fait le constat d’une crise majeure de l’institution judiciaire, relevant qu’au-delà de la faiblesse des moyens dévolus à la justice dénoncés depuis plusieurs décennies, alors que la justice n’a cessé d’être transformée au cours de ces 30 dernières années, son fonctionnement a été insuffisamment repensé de façon systémique dans un contexte où les missions de la justice comme son rôle dans la société se démultiplient.

C’est dans ce contexte que la loi de programmation 2022-2027 a prévu le recrutement de 1000 magistrats et 1000 greffiers supplémentaires, mais dont la mise en œuvre se trouve actuellement suspendue aux aléas de la vie politique et aux souffrances budgétaires.

Quels facteurs ont contribué à cette crise selon l’IERDJ ?

-Le manque de moyen,

-L’inflation des normes (excessive complexité et instabilité des normes qui nuit à la lisibilité du droit et augmente toujours un peu plus la charge de travail des praticiens)

-Le recours accru aux juridictions, particulièrement entre les années 1970 et 2000 : en termes de flux les saisines ne se sont finalement stabilisées qu’entre 2005 et 2019, sans jamais permettre la résorption des stocks.

Mais au-delà, deux évolutions sociétales majeures ont fortement marqué le travail :
1 – L’accélération
L’étude constate une intensification des rythmes quotidiens : on fait plus de choses en moins de temps, avec comme corollaire une fragmentation des tâches professionnelles et comme paradoxe un risque de ralentissement en raison de la désynchronisation des processus de travail : les procédures accélérées peuvent générer des goulets d’étranglement, de la désorganisation chronophage ou des reports de retards d’un secteur à l’autre.
Dans ce processus d’accélération, la maîtrise des délais de traitement des procédures constitue un enjeu majeur qui s’est progressivement imposé au cours des dernières décennies comme l’une des principales clefs de lecture de la qualité de la justice. Illustrant la volonté de répondre rapidement à la demande de justice, des procédures visant à accélérer le traitement des dossiers se sont développées. À la fin des années 1990, le traitement en temps réel des procédures pénales a été généralisé dans les tribunaux judiciaires afin de « chasser les temps morts et surtout placer la justice dans le même temps que celui du délit». Depuis lors, bien des réformes ont été justifiées par la volonté de diminuer les délais de traitement des affaires et d’accélérer les flux dans les juridictions judiciaires (développement
des comparutions immédiates, alternatives au poursuites, comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité, réduction de la collégialité au profit des juges uniques, etc. ), et ce y compris en matière civile. Ce processus, toujours à l’œuvre, se retrouve particulièrement d’actualité en matière criminelle, où, illustrant le paradoxe déjà évoqué, la réforme des cours criminelles, conçue pour juger plus efficacement certains crimes et désengorger les cours d’assises, a précisément eu l’effet inverse et menace désormais tout l’audiencement criminel.

2 – L’individualisation
Si elle présente des intérêts évidents dans le monde du travail en termes d’épanouissement avec une meilleure prise en compte d’éléments personnels tel que le talent et la motivation, cette tendance enjoint à chacun de s’engager
personnellement et fortement dans le travail en mobilisant sa personnalité et ses émotions. Mais comme le contexte moderne est marqué par une forte interdépendance des acteurs au travail, peu de tâches sont entièrement isolées. Or, les défaillances organisationnelles du travail ne sont pas pensées à l’échelle du collectif, mais leur responsabilité est reportée sur l’individu.
Exemple typique dans les juridictions, la difficulté d’assurer le traitement des affaires dans un délai raisonnable, qu’elles soient civiles ou pénales, se traduit d’abord par la pression faite individuellement au magistrat de ne pas faire droit aux demandes de report d’une affaire, ce qui le heurte la plupart du temps à ses principes (respect des droits de la défense, résistance aux moyens dilatoires, etc.).
Cette étude fait le constat que la responsabilisation personnelle s’est fortement accrue pour tenter de répondre aux désordres institutionnels.

Deux autres phénomènes d’ampleur renforcent l’accélération et l’individualisation :

-tout d’abord le new public management qui s’est répandu à partir des années 1980 avec pour objectifs d’améliorer l’efficacité des services publics et de responsabiliser les personnes en charge de l’administration à partir d’outils et
de principes utilisés dans le secteur privé. Cette école de pensée est caractérisée par l’importance donnée au management du service public, et non à son administration. La responsabilité des résultats de la gestion publique repose sur les managers et non sur les décideurs politiques. L’accent est mis sur des indicateurs de fonctionnement plus que sur le contenu des missions elles-mêmes, ce qui entraîne un déplacement des responsabilités.

La culture managériale incite le responsable à renouveler sans cesse l’organisation du travail, à fixer de nouveaux objectifs et à faire preuve d’innovation, parfois au détriment des réalités de terrain ou du besoin de stabilité.

-en second lieu la mise en place d’outils technologiques et numériques : développement des visioconférences, procédures pénales numériques, communication électronique avec les avocats, les experts, projet Portalis, etc., ces nouveaux outils touchent directement aux modalités d’échanges et de communication entre professionnels et avec les justiciables par la mise en place d’interfaces pour saisir une juridiction, déposer des conclusions, recevoir des
notifications.

Le développement de l’intelligence artificielle générative ouvre de nouvelles perspectives d’outils d’aide à la recherche juridique et d’aide à la décision, des plateformes de résolution des litiges en ligne renouvellent l’offre de services juridiques. Elles doivent être prises en compte pour apprécier les évolutions des organisations de travail et les leviers envisageables pour les améliorer.
Mais les outils de connexion participent du sentiment d’accélération du travail par une immédiateté des réponses, des sollicitations en tous lieux et tous temps, ou encore un brouillage de la définition des espaces de travail.

L’étude de l’IERDJ identifie 4 caractéristiques actuelles du travail des professionnels de la justice :

1. Le débordement temporel : confusion entre temps personnel et temps professionnel, que l’on retrouve principalement dans la nécessité de mobiliser du temps de travail supplémentaire pour parvenir à respecter les
délais du temps judiciaire

2. l’intensification et la fragmentation du travail : l’étude fait le constat de la dispersion des activités quotidiennes, favorisée par l’instantanéité des échanges.

L’un des exemples le plus actuel qui concerne particulièrement notre juridiction est celui du développement des ordonnances de protection par lequel le justiciable peut saisir à tout moment un JAF, qui doit mettre de côté son activité principalement rédactionnelle pour consacrer environ ½ journée à une situation présentée comme urgente, et sur laquelle il sera amené au demeurant à statuer de nouveau selon la procédure habituelle dans les semaines ou les mois qui suivent.
Autre exemple, celui des CRPC défèrements, qui a amené le TJ à mettre en place une permanence de juges, en dehors du service correctionnel, qui doivent se rendre disponible à leur tour en plus de leur activité principale, pour siéger en audience d’homologation décidée le jour même.

3. La place prise par le reporting et le développement des nouveaux outils de travail : Avant de pouvoir alléger certaines tâches, ces outils, principalement numériques, génèrent un besoin de formation et d’appropriation conséquent et chronophage. S’il est bien évident que toute organisation de travail doit reposer sur une vision claire de sa réalité, celleci paraît trop largement reposer sur les seules données chiffrées. Selon les termes d’un philosophe entendu lors des travaux de l’IERDJ, «l’attention est portée aux signes plus qu’à la réalité».

Comment, dans ces conditions, rendre compte des gestes professionnels, de leur qualité et plus encore de leur cohérence en interaction avec les autres professionnels qui contribuent à l’œuvre de justice ?

Surtout à l’heure où l’analyse de la performance des juridictions est confiée au Zscore, un outil d’analyse inventé en 1968 par le professeur Edward ALTMAN, expert dans le domaine de la finance et pionnier dans l’élaboration de modèles de gestion du risque. Certains de ses résultats appliqués aux juridictions sont surprenants et parfois en contradiction avec la réalité de terrain que nous sommes en mesure d’appréhender.

4. La fragilisation des logiques de métiers : de nombreux travaux de sociologie ont montré combien logiques gestionnaires et logiques de métier peuvent se heurter au sein des organisations de travail dès lors que les outils
de gestion tendent à favoriser la standardisation des pratiques, à formaliser des processus et, parfois, à fixer les prescriptions à contre-courant des savoir-faire professionnels personnalisés. La mesure chiffrée et standardisée de l’activité ne permet pas de rendre compte de l’ensemble des compétences professionnelles mobilisées au cours d’une journée, notamment l’écoute, la prise en considération et l’accompagnement des justiciables ou des collègues.

Quelles sont alors les ressources à mobiliser ?

– la force des collectifs de travail et du travail en équipe : que ce soit des collectifs informels, qui jouent un rôle structurant tant pour maintenir la santé physique et mentale des travailleurs, pour réguler les dysfonctionnements, gérer les difficultés et la complexité du travail, ainsi que le stress qui en résulte, ou des collectifs plus formels, organisés, pour favoriser une vision transversale d’une même activité, dont l’exemple type sont les comités de pilotage dans lesquels nous nous retrouvons régulièrement.

– un travail qui fait sens : se définit par le sentiment d’utilité, la conviction de travailler en adéquation avec les valeurs et normes professionnelles et la capacité de mettre en œuvre ses habilités professionnelles dans son travail. Or, le délai et les conditions dans lesquels peuvent être rendue une décision de justice sont susceptibles d’inverser son utilité, là où le juge était censé apporter une solution il devient partie du problème, bloquant par exemple une situation qui risque de dégénérer comme c’est tout particulièrement le cas en matière d’affaires familiales.
Malheureusement cette étude ne formule pas de recommandation magique, son ambition étant de fournir aux acteurs du droit et de la justice des ressources conceptuelles qui les aident à concevoir leur pratique différemment.

Dans cette perspective on peut envisager le développement des modes amiables de règlement de conflits. Conçu avant tout, il faut bien l’admettre, comme un moyen de désengorger les juridictions, il a été étendu, après les conciliateurs et les médiateurs, aux magistrats avec la mise en place d’une audience de règlement amiable en matière civile. Des premiers retours de magistrats qui l’ont pratiqué ressort un sentiment de grande satisfaction, d’utilité, d’épanouissement professionnel, en quelque sorte le «travail qui fait sens» retrouvé. Mais l’envers du décor pourrait bien être qu’une fois de plus, une réforme imaginée pour gagner du temps de juge, ne se heurte à la pratique qui nous enseigne que le règlement amiable d’un litige demande aussi du temps et qu’il est de plus aléatoire. Car à l’heure des audiences de règlement amiable, la chancellerie semble en voie d’enterrer silencieusement la réforme promise par l’expérimentation de la tentative de médiation familiale préalable obligatoire, qui devait à terme précéder toute saisine du JAF, et qui n’a au final pas démontré de capacité à réduire
significativement le choix de la voie judiciaire.

Pour terminer ce tour de piste, je forme pour ma part le vœu que les modes amiables de règlement des litiges trouvent toute leur place au sein des juridictions, car nous y gagnerons probablement en qualité de justice, même s’il me semble illusoire d’en espérer l’alignement parfait entre le besoin de justice et nos capacités actuelles de jugement. »