Lourdes : le Pont Peyramale ou la reconstruction du temps perdu

Il aura fallu plus de dix ans pour que le destin du Pont Peyramale connaisse un tournant décisif. Dix ans, deux crues majeures, plusieurs audits, études, annonces, renoncements et autant de promesses suspendues sur des piles fragiles. Aujourd’hui, les engins sont là, les travaux ont débuté — discrètement, presque à contretemps — dans une ville déjà bousculée par la saison touristique et les caprices du Gave.

Le pont Peyramale n’est pas tombé sous la seule violence des eaux. Les crues de 2012 et 2013 ont sans doute affaibli sa structure, mais c’est l’épreuve du temps et, surtout, d’un manque d’entretien chronique qui l’ont conduit à sa fin.

En 2014, la nouvelle Municipalité de Josette Bourdeu s’était préoccupée tout de suite de l’état des 4 ponts franchissant le Gave. Une première expertise cette même année avait tiré la sonnette d’alarme. La Municipalité avait alors agi, avec par exemple, la consolidation possible du pont de l’Arrouza mais le constat était plus alarmant pour le pont Peyramale. Pour ce dernier une reconstruction devenait inévitable.

A la fin du mandat, le projet était fin prêt à être lancé (car il avait fallu attendre que les finances de la Ville soient d’abord assainies et redeviennent, après un mandat d’efforts constants de gestion, capables de le financer). Mais les élections municipales de 2020 ont eu, comme souvent, leur effet de réinitialisation.

Le nouveau maire, Thierry Lavit, choisit alors de tourner la page et de revoir le projet, jugeant peut-être le précédent fonctionnel mais pas à son goût. Une nouvelle ambition naît : un pont moderne, audacieux, annoncé à grands renforts de visuels, de conférences de presse, de promesses d’esthétique et d’inauguration papale.

Mais quand les devis sont arrivés, l’enthousiasme s’est heurté à la réalité : un coût estimé à près de 10 millions d’euros, difficilement supportable pour les finances de la Ville. Le projet fut abandonné, les visuels rangés dans les tiroirs, et les études — coûteuses — laissées derrière. Comme celles d’avant, celles d’encore avant. Une accumulation de documents, de diagnostics, de réflexions… financée, bien sûr, par les contribuables.

Aujourd’hui, un nouveau pont va bel et bien voir le jour. Le chantier a été lancé début juin, en pleine montée du Gave et à l’aube d’une saison de pèlerinages cruciale pour les commerçants et professionnels du tourisme. Certains s’interrogent sur l’opportunité de ce calendrier : entre les risques d’orages, la fonte des neiges et les congés estivaux à venir des ouvriers des entreprises, la route vers l’achèvement pourrait être semée d’embûches. Mais il fallait sans doute lancer les travaux.

À l’approche des élections municipales de mars 2026, tout est affaire de tempo. Et comme aime à le rappeler le Maire lui-même, « c’est à la fin du bal qu’on paie les musiciens ».

Alors, espérons que cette danse à contretemps, entamée sous la pluie, mènera enfin à un pont solide, fonctionnel… et durable. Car les Lourdais, eux, ont déjà trop longtemps attendu pour traverser.

S.P