Lourdes : Journée nationale d’hommage aux «Morts pour la France» en Indochine

Ce mardi 8 juin à 11h30 au square de la Médaille Militaire (face à l’ancienne piscine) a eu lieu la cérémonie de la Journée nationale d’hommage aux «Morts pour la France» en Indochine, présidée par le Sous-préfet d’Argelès-Gazost Didier CARPONCIN, en présence du Maire Thierry LAVIT, du Conseiller municipal délégué aux Anciens combattants Jean-Georges CRABARIE, du Directeur de l’ONAC Bruno MONTAGNOL, des Porte-drapeaux et Présidents d’associations patriotiques. La Députée Jeanine DUBIE et les Sénatrices Maryse CARRERE et Viviane ARTIGALAS s’étaient excusées.

Thierry Lavit avec deux anciens d’Indochine : le Général Pierre Latane a participé à la Bataille de Dien Bien Phu, fut fait prisonnier et placé dans un camp de « rééducation » Vietminh, Victor MERX ancien gendarme de la garde vietnamienne

Le 8 juin 1980, la dépouille du Soldat Inconnu d’Indochine a été transférée à la nécropole nationale de Notre-Dame de Lorette, et c’est cette date qui a été retenue pour rendre hommage, chaque année, aux Morts pour la France en Indochine.

Pour commencer la cérémonie le Colonel Daniel LAVIGNE a expliqué ce qu’avait été cette guerre d’Indochine, la fameuse Bataille de Dien Bien Phu, le comportement exemplaire de ces combattants et parmi eux un Lourdais le Général Pierre LATANNE.

Colonel Daniel LAVIGNE

Lecture d’un texte d’hommage lu par le Colonel Daniel LAVIGNE

« La cérémonie d’aujourd’hui est dédiée aux morts de la guerre d’Indochine et aux soldats du Corps Expéditionnaire Français en Extrême Orient. Cette commémoration ne sera instituée qu’en 2005 soit 50 ans après la fin des combats. Face à vous, une urne contenant de la terre du point d’appui « Eliane » à Dien Bien Phu, est dédiée aux anciens d’Indochine.

Mai 1945, la France termine une guerre sur le théâtre européen, poursuit la guerre en Extrême Orient contre le Japon puis en 1946 entre dans un conflit armé contre les troupes communistes et indépendantistes du Viet Minh, conflit qui en 1949, sera justifié par le pouvoir politique comme étant la participation française à « la défense de l’Occident sur le Rhin et le Mékong ». Avec l’argent et le matériel américains et, le sang des hommes de l’Union française, la France entre dans la « guerre froide » en Cochinchine, en Annam, au Tonkin. Ces noms résonnent encore pour tous ceux qui, dans les années cinquante, écoutaient à la TSF les messages trop brefs et lacunaires sur les affrontements meurtriers d’Indochine.

La guerre d’Indochine est la guerre « oubliée » qui enfantera le « soldat perdu » des combats d’Afrique du Nord a écrit George Armstrong Kelly, attaché de recherches à Harvard. Elle est un combat tragique de l’Armée française reconstruite à partir des Forces Françaises de l’Intérieur, des Forces Françaises Libres, des troupes coloniales et des vietnamiens. Elle dure de 1945 à 1954. Le Corps Expéditionnaire Français, seul, « loin de chez nous », mal accompagné, trop souvent insulté, utilisant parfois des munitions sabotées dans les arsenaux français, s’est embourbé dans un combat sans espoir, combat mené par des hommes héroïques qui refusent parce qu’ils sont frères d’arme d’un groupe, d’une section, d’une compagnie, d’un bataillon, de perdre leur âme et leur honneur.

« Oubliés» des français, les combattants du Corps Expéditionnaire, soudés par les traditions de fraternité de leurs unités, unis dans la rage et la peur face à la mort, toujours fidèles au drapeau tricolore, seront de toutes les bagarres de Hanoï, Langson et Cao Bang sur la RC4, Vinh Yên, Mao Khé, Ngia Lo, Hôa Binh, Na San, Muong Khoua, Diên Biên Phu, col de Mang Yang mais aussi dans les bagarres non connues des postes isolés qui submergés par le nombre lancent, avant destruction de leur radio, leur dernier message avant de mourir. Tous, de façon anonyme, ont engagé leur vie pour l’honneur de la France.

Soldats « perdus » entre le sens du devoir et le doute sur l’utilité de leur sacrifice, ignorés par la métropole, ils ont choisi, avec une terrible abnégation, de verser leur sang et leurs larmes sur une terre étrangère qu’ils ont aimé.

Parmi ces hommes de devoir, l’aspirant Pierre LATANNE, présent à la création, en août 1953 du 5° Bataillon de Parachutiste Vietnamien surnommé 5° Baouanne, sera de tous les combats à la tête de ses vietnamiens jusqu’à la fin de la bataille de Dien Bien Phu. Parachuté dans la plaine des jarres lors de l’opération « Brochet » le bataillon subira de très nombreuses pertes humaines sous l’effet des mines sur les digues et des pièges construits dans les rizières (une centaine de morts et de blessés). Le 5° Baouanne, sautera une première fois dans la cuvette de Dien Bien Phu le 22 novembre 1953 lors de l’opération « Castor ». Après une installation difficile, le 13 décembre il est engagé face à une division vietminh dans une mission de récupération des rescapés des postes engloutis par les assauts des Viets dans la région de Pou Ya Tao où la section de Pierre LATANNE perd une dizaine de blessés et de morts. Le Baouanne revient en base arrière en janvier 1954 à Hanoï. Le 14 mars en plein jour, 24 heures après le début de l’attaque générale vietminh il saute pour la 2° fois, sous la mitraille et les bombardements, dans l’enfer de Dien Bien Phu (encore une centaine de morts et de blessés). Le 15 mars sans guidage et reconnaissance, dans un terrain bouleversé, au milieu des barbelés, des tranchées, des tirs et des éclats d’obus, il est engagé dans la récupération des rescapés du point d’appui « Gabrielle » (encore des morts, des blessés, des disparus). De défense de points d’appuis en contre-attaques le bataillon se bat sans interruption. Début avril, la compagnie du sous-lieutenant Phan Van Phu reprend « Eliane 1 » en chantant pendant l’assaut la « Marseillaise ». Le 18 avril, sur « Huguette 6 », la compagnie encerclée, dans laquelle sert l’aspirant Pierre LATANNE, fonce droit devant pour forcer le passage. Sur 140 hommes, seuls 55 hommes réussissent. Début mai, le 5° Bataillon de Parachutistes Vietnamien a cessé d’exister et les rares survivants sont dispersés dans les unités en état de combattre. Le sous-lieutenant Pierre LATANNE, prend la tête de la section mortier de 60 sur « Elianne 4 ». Le 6 mai, il est blessé, le camp tombe le 7 mai. Sur 642 hommes parachutés du 5° Baouanne il ne reste que 87 survivants à la libération des camps de la mort vietminh.

Le sous-lieutenant Pierre LATANNE, dernier survivant du 5° Baouanne, aujourd’hui général, est toujours debout parmi nous pour saluer ses frères d’armes et entretenir le souvenir de leur sacrifice. Il est accompagné par Jacquie SAMOUILLAN, Porte-drapeau des anciens d’Indochine et ancien combattant de la 73° compagnie coloniale à Hué.

Les pertes au combat de l’Union française s’élèvent à 60 000 morts, 70 000 blessés et 10 000 disparus. Les pertes des troupes vietnamiennes fidèles à la France seront de 419 000 morts, disparus, blessés, prisonniers. Dans les camps «de rééducation» sur 22 000 prisonniers, 50% ne reviendront pas.

Face à leurs bourreaux, les commissaires politiques vietminh mais aussi les commissaires politiques français qui ne seront jamais condamnés pour leur collaboration active avec l’ennemi, malgré la faim, la maladie et les sévices nos soldats résisteront, solidaires, sans trahir leurs convictions, au péril de leur vie, souvent avec « cran et ironie ».

Mon Dieu, maintenez aux survivants toujours debout « ce qui leur reste, la force pour garder la foi » dans les valeurs de notre pays. « Ce que les autres ne veulent pas » ils l’ont vécu dans l’enfer des batailles.

Mon Dieu, faites que les jeunes français n’oublient pas le sacrifice de leurs aînés, engagés « loin de chez nous » au service de leur patrie. Qu’ils perpétuent le courage, l’audace, la vaillance le sens du devoir rempli avec honneur et fidélité. Les «oubliés» écoutent encore « je ne regrette rien » d’Edith Piaf.

« L’histoire brûle les hommes, après il faut recueillir les cendres et raconter » (Hélie Denoix de Saint Marc). Notre devoir aujourd’hui, est de rétablir la vérité sur une guerre ignorée par les jeunes générations et les programmes scolaires. Que les soldats « perdus » de la guerre « oubliée » de notre histoire retrouvent enfin la Reconnaissance de la France et la Paix. »

Puis le Sous-préfet a fait lecture du message de Mme Geneviève DARRIEUSSECQ, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants.

M. Didier CARPONCIN, Sous-Préfet de l’arrondissement d’Argelès-Gazost

« Ce 8 juin, la nation française rend un hommage solennel aux morts pour la France en Indochine. En s’inclinant avec respect devant les anciens combattants de 40 et de 45, devant les anciens de la guerre d’Indochine, la France affirme une nouvelle fois sa reconnaissance à ceux qui ont combattu sous notre étendard et porté nos armes.

La République n’oublie aucune guerre, aucune génération du feu, aucune mémoire. Elle se souvient de l’histoire douloureuse que fut le coup de force japonais du 9 mars 1945 et de l’âpreté du conflit indochinois.

De 1946 à 1954, ce sont 500 000 membres du corps expéditionnaires français qui ont servi notre pays. A l’instar du lieutenant Bernard de Lattre, tué au combat il y a 70 ans, ils l’ont fait avec dévouement et sens du devoir, parfois dans l’indifférence ou dans l’incompréhension. Dans les airs, sur les mers, sur la terre, en combattant, en soignant, en assurant la logistique et le soutien, les militaires, supplétifs et personnels des armées ont lutté contre un adversaire résolu et ardent, en défiant la dureté des éléments et de la géographie, en repoussant la fatigue et la peur. Nombreux sont ceux qui ont subi une usante captivité, la plupart d’entre eux n’en sont pas revenus.

Aujourd’hui, nous transmettons avec ferveur cette mémoire et nous saluons celles et ceux qui la portent. Elle nous rappelle que notre pays peut compter, génération après génération, sur des hommes et des femmes prêts à l’engagement et au combat.

Aujourd’hui, nous rappelons également notre attachement à cette mémoire partagée, socle de notre amitié avec l’adversaire d’hier devenu un partenaire durable. »

Puis on a écouté la chanson de Dien Bien Phu :

Ensuite des dépôt de gerbes ont été effectuées par le Sous-Préfet, le Maire et le Délégué aux Anciens Combattants, le Général Latanne, le Colonel Lavigne et Victor Merx (gerbe commune du milieu associatif patriotique).

Après la Sonnerie « Aux Morts » et la Minute de silence, a été chantée une vibrante Marseillaise.

Pour finir les autorités ont salué les Porte-drapeaux, les Présidents d’associations patriotiques et les invités.