Gilles Gosselin, directeur de Volotea France à l’aéroport Tarbes-Lourdes-Pyrénées : « Nous nous engageons à répercuter la hausse de la taxe de solidarité le moins possible. »
Interview : Pour la première fois depuis votre prise de fonction en septembre l’an dernier, vous avez intégré l’aéroport de Tarbes-Lourdes-Pyrénées à votre tournée annuelle. Pourquoi ?
Gilles Gosselin : « C’est une base importante pour nous. Nous sommes installés depuis deux ans et avons communiqué au lancement de la base. Je suis arrivé en septembre et il a fallu le temps de prendre attache. C’est une ligne de délégation de service public importante, avec un réseau non négligeable. Nous proposons 323 000 sièges par an et y avons 36 collaborateurs basés. Nous avons une succursale ici, comme dans chacune de nos dix bases françaises, avec des avions attachés. Nous proposons des départs de 22 aéroports et sommes la première des compagnies aériennes pour les routes domestiques. »
Vous êtes donc potentiellement la compagnie la plus impactée par la hausse de la taxe de solidarité ?
Gilles Gosselin : « Oui, comme toutes les compagnies, nous serons impactés par cette hausse très significative. Nous regrettons qu’elle ait été décidé sans étude d’impact sur la santé économique des entreprises de transport aérien, ni sur le pouvoir d’achat des clients. Nos clients sont en grande partie des clients affinitaires, qui voyagent pour des raisons, par exemple, familiales. Les citoyens ont besoin de rencontrer leurs proches, qui travaillent, étudient à l’autre bout de la France. Cette taxe domestique et intra-européenne va passer de 2,73€ à 9,50€, soit une augmentation de 15€ par aller-retour. Sur un trajet Tarbes-Lourdes-Paris, cela fait 15€ d’augmentation sur un billet à 110 ou 120€. Cela pénalise les ménages, mais aussi le tissu économique et les petites et moyennes entreprises. Le monde des affaires ne se limite pas aux réunions plénières, mais il y a aussi des réunions techniques, elles font venir les clients, les démarchent, participent aux salons. Il y a un besoin de mobilité. Sur un territoire enclavé comme ici, l’avion est la meilleure solution.
C’est d’ailleurs de ce constat qu’est né Volotea il y a douze ans. 65% de la population européenne habite des petites et moyennes villes et n’ont accès qu’à 35% de l’offre aérienne. Il y a un déséquilibre. Cela a fait notre succès. Nous sommes aussi les champions des transversales, avec Nice-Brest, Nantes-Montpellier, des trajets difficiles à effectuer en train. De facto, nous sommes la compagnie des régions françaises. »
Allez-vous répercuter cette hausse ?
Gilles Gosselin : « Probablement en partie, tout en essayant d’offrir le prix le plus abordable possible. Nous travaillons par ailleurs sur nos coûts, en termes de gestion et de capacités. L’avenir nous dira si cette hausse, qui est encore un projet, aura un impact sur la demande. Nous nous engageons à la répercuter le moins possible, mais 15€ sur 100€, c’est compliqué. »
Cela peut-il compromettre l’équilibre financier de la ligne ?
Gilles Gosselin : « Ce contrat inclut une compensation de tout ou partie des pertes liées à l’exigence de service public, avec une fréquence élevée de deux rotations par jour, qui ne peuvent être annulées quel que soit le remplissage. C’est une ligne d‘aménagement du territoire, qui répond à des besoins. Cela aura peut-être un impact financier, mais le montant de la compensation est un maximum. Nous allons étudier les comptes d‘exploitation très attentivement mais le contrat ne peut être revisité. Cela risque effectivement de peser sur l’économie de la ligne. »
Cela pourra-t-il avoir un impact sur le reste de la desserte ?
Gilles Gosselin : « En 2025, elle sera identique à 2024. Nous avons six routes au départ de Tarbes, Paris, Strasbourg, Rome, Palerme, Catane et Naples. L’Italie est plus raisonnable sur l’accès au transport aérien donc l’augmentation ne sera effective que dans un sens. Nous avons pris un engagement auprès de la région pour assurer ces lignes et les développer. Nous faisons tout pour assurer leur continuité. Nous réfléchissons à quelles destinations développer ou ouvrir avec l’aéroport. A celles qui seraient bénéficiaires en termes d’import, pour stimuler le tourisme et l’accès au sanctuaire, mais aussi pour permettre de voyager vers d’autres destinations. Nous espérons annoncer de nouvelles routes. »
La justice espagnole vous a sanctionné concernant les frais appliqués pour les bagages. Cela est-il susceptible de faire évoluer votre politique dans ce domaine ?
Gilles Gosselin : « Nous étudions cette décision mais ne pensons pas qu’elle soit bénéfique aux clients. Une grande partie d’entre eux ne souhaite pas voyager avec des bagages. Beaucoup font l’aller-retour dans la journée, y compris des pèlerins. J’ai même été surpris par ce nombre. C’est une question à étudier mais pour le moment, nous ne changeons pas de politique et nous ferons certainement appel de cette décision contraire à la réglementation européenne. Cette politique est gagnante-gagnante pour le client et le transporteur. »
Vous évoquez un travail sur les coûts. Quel est-il ?
Gilles Gosselin : « Nous augmentons les coefficients de remplissage. Une fois les portes de l’avion fermées, la place est perdue. Les effets d’échelle sont aussi importants. Plus nous avons de capacité, plus nous sommes efficaces sur les achats de carburant et autres prestations. Nous avons également passé un contrat avec Airbus pour un logiciel de maintenance préventive, pour faire baisser le nombre de pannes. Nous avons aussi un logiciel d’optimisation de descente et de profil de vol. Cela permet des économies de carburant et est vertueux d’un point de vue environnemental. Progressivement, nous augmentons le nombre d’A320 qui ont plus de sièges que les A319 pour que le coût du siège diminue. »
Les aéroports de Pau et de Tarbes-Lourdes-Pyrénées peuvent-ils coexister ?
Gilles Gosselin : « Ils l’ont fait jusqu’à présent. L’accessibilité de Pau à Paris est plus efficace en train, d’une heure. Le maillage des aéroports est beaucoup critiqué mais a été créé pour répondre à un besoin. La France a été précurseur dans le transport aérien, elle a construit son histoire et celle de l’aviation. Cela répond à un besoin de connectivité indispensable. Depuis que les vols pour Orly au départ de Pau sont interrompus, nous n’avons pas connu de transfert de clientèle vers nos vols. Il doit y avoir une progression de 1% entre 2023 et 2024. Ce sont deux aéroports avec une zone de chalandise et une clientèle différentes et deux aéroports aux missions différentes. Ici, il a été en partie conçu pour l’accès au sanctuaire. Ils peuvent donc coexister et Pau dessert toujours Charles-de-Gaulle avec plusieurs vols par jour. »
Quel est d’ailleurs le bilan de la ligne Tarbes-Paris ?
Gilles Gosselin : « En 2022, nous avions de plus petits modules de 90 ou 100 places. Aujourd’hui, nous en avons 156 par avion. Il y a eu une progression à 188 000 passagers transportés en 2024 et une hausse de 30% de voyageurs par rapport à 2019.
Le réseau italien fonctionne aussi extrêmement bien. C’est notre deuxième marché après la France, nous y avons une notoriété et une commercialisation efficaces. »
Vous mentionnez la modification des plans de vols pour économiser le carburant. Quels sont vos autres actions pour diminuer votre impact environnemental ?
Gilles Gosselin : « Nous nous sommes engagés à baisser les émissions de CO2 par passager et par kilomètre transporté de 50% d’ici à 2030. Nous sommes à -48%, avec des mesures certifiées par le bureau Veritas. Nous atteindrons nos objectifs. Nous avons effectué un changement de flotte et remplacé les Boeing 717 par les Airbus. Parmi la cinquantaine de mesures prises, nous baissons l’utilisation des moteurs auxiliaires au sol, utilisons le séquençage de démarrage des moteurs, allégeons le poids des avions et augmentons le taux de remplissage. Nous utilisons aussi du biocarburant Saf, à hauteur de 1% et cela va augmenter. Mais sur la navette Toulouse-Hambourg, elle va atteindre 30% de carburant durable. C’est un combat de tous les jours. Nous investissons aussi dans une entreprise qui construit un avion électrique pour préparer l’aviation de demain. Il devrait être prêt en 2026, mais nous n’en serons pas utilisateur car il sera de petite capacité. Il est essentiel d’être moteur de cette transition écologique qui est aussi technologique. »
Gaetane ROHR Journaliste