Discours de Maryse CARRÈRE prononcé au Sénat après le discours de politique générale du Premier ministre

Déclaration de politique générale Mercredi 14 octobre 2025

Discours de Madame Maryse CARRÈRE prononcé cet après-midi 14 octobre au Sénat après le discours de politique générale du Premier ministre :

« Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et messieurs les Ministres, Mes chers collègues,

Une nouvelle fois, c’est sur un fil d’équilibriste que le Gouvernement va devoir dérouler son action.

Si le sens du collectif l’emporte demain, vous souhaiteriez -Monsieur le Premier Ministre- ouvrir «un chemin commun malgré les divergences». Au sein du RDSE, tous exercés à rechercher le compromis, on ne peut que vous encourager à cette méthode.

Dans le contexte actuel, celui d’un quatrième Gouvernement depuis un an, d’une crise politique enkystée qui frôle la crise de régime, d’une lassitude des Français, mon groupe vous souhaite de passer les sauts d’obstacles. Bien entendu, pas à n’importe quel prix.

Oui, le RDSE veut que notre pays retrouve une stabilité politique. Nous le devons à nos concitoyens qui voient depuis des mois le triste spectacle des ambitions passer avant l’intérêt de la nation. Ces mêmes Français qui épargnent outre-mesure, par peur du lendemain. Une prudence qui pourrait couter a minima 0,3 points de PIB à notre économie.

L’impact de ce désordre politique touche les Français, toutes les entreprises et les marchés financiers qui le font payer aux investisseurs et à la dette. Il faut que cela s’arrête !

C’est aussi la crédibilité de notre pays vis-à-vis de nos partenaires européens qui est en jeu. Alors que le président de la République souhaite relancer l’axe franco-allemand, c’est avec inquiétude que Berlin regarde une France devenue ingouvernable. La France a besoin de l’Europe et l’Europe a besoin de la France.

Il est donc urgent de rassurer sur tous les fronts.

Vous conviez le Parlement, Monsieur le Premier Ministre, à un exercice de responsabilité. Il vaut en premier pour l’Assemblée nationale si fracturée.

Mais le Sénat doit prendre aussi sa part dans la recherche du dialogue et de la co-construction. Ce sera difficile si chacun des groupes reste dans son couloir idéologique, comme on peut le regretter dans beaucoup de nos débats.

Depuis la dissolution, nous le répétons, il n’y a pas de majorité claire. Chacun peut continuer à travailler avec des œillères, mais regardons le résultat depuis un an : une succession de petits textes qui donne le sentiment d’une absence de cap, faute de s’inscrire dans un cadre cohérent.

La France vit une crise inédite. Face aux urgences économiques et sociales, souhaiter maintenant une élection présidentielle est irresponsable. A court terme, la dissolution serait plutôt une punition que la solution.  Ceux qui la réclame à l’extrême gauche porte le risque de faire le lit de l’extrême droite.

Pour mon groupe, la priorité est un budget pour 2026 qui réponde aux attentes des Français et qui rassure les acteurs économiques et les collectivités locales.

Un projet fidèle aux fondamentaux de notre pacte social et républicain.

Un projet qui ne promet pas que du sang et des larmes, car c’est d’espoir dont ont besoin nos concitoyens. Si la réduction du déficit est une nécessité, elle ne doit pas enfermer toutes nos politiques publiques. Et je salue votre volonté, Monsieur le Premier ministre, de ramener l’objectif du déficit à 4,7%.

Notre collègue Raphaël DAUBET l’a rappelé lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, la récession de 1993, puis la crise de 2008 avaient plongé le solde public à des niveaux proches de ceux que nous connaissons aujourd’hui. Chaque fois, le retour du déficit sous la barre des 3 % a pris 7 à 9 ans.

Ne prenons pas le risque d’une rigueur qui gripperait le peu de croissance qu’il reste.

C’est un Budget que nous voulons juste. Vous le savez, l’équité fiscale et sociale est une demande forte exprimée par nos concitoyens.

La majorité de mon groupe a soutenu la proposition de loi relative à la taxe Zucman. Oui, c’est vrai, elle va loin et n’est pas sans écueils. Mais comme le dit l’adage «Qui peut le plus peut le moins». Les débats vifs autour de cette taxe ont eu le mérite de réveiller les consciences. Vous êtes prêt, Monsieur le Premier Ministre, au débat sur la fiscalité des grandes fortunes.

Vous trouverez le RDSE sur ce terrain. Au fil des Budgets, nous posons à chaque fois la question des holdings familiales et de l’optimisation fiscale ou encore du niveau de la mise à contribution du capital. A cet égard, je rappellerai que notre collègue Christian BILHAC avait fait adopter au Sénat une hausse du PFU qui avait fait les frais de la procédure dite de «seconde délibération».

Rassurez-nous, Monsieur le Premier ministre, pas de 49-3 à l’Assemblée nationale, nous l’avons bien entendu. Mais au Sénat, l’entêtement idéologique sur certains bancs nous conduira-t-il au vote bloqué ou à cette fameuse seconde délibération ?

Sans entrer dans le détail sur le Budget de l’État, je soulignerai juste que mon groupe sera attentif sur le sort réservé aux finances des collectivités locales. Dans le brouillard politique que nous vivons, celles-ci apparaissent comme un roc et un vecteur fondamental de la commande publique. Une commande publique indispensable à la fois à la croissance et à la cohésion sociale.

Aussi, je le dis, écoutez les élus locaux qui -également- réclament stabilité et visibilité. Ils demandent une pause dans les réformes institutionnelles, pas de nouveaux changements après ceux opérés parfois à marche forcée. Je pense aux lois RCT, Maptam ou Notre pour laquelle je viens de rendre un rapport qui atteste de ce besoin de clarté au niveau décentralisé.

Nous sommes en revanche favorables à ce que l’on s’interroge sur de nouvelles relations entre l’Etat et les collectivités locales pour plus de facilitation, d’accompagnement et de simplification.

Nous vous soutiendrons dans votre volonté d’un Etat plus efficace pour un meilleur usage de la dépense publique, pour la mettre là où elle est indispensable : l’école, la santé, la justice, les territoires ultramarins et la défense.

Je pense aussi à notre modèle social qui demande des marges budgétaires pour être préservé… Ainsi qu’aux attentes de la société sur des grands sujets tel que l’accompagnement de la fin de vie.  Le RDSE souhaite examiner rapidement les deux textes qui y sont consacrés.

Sans oublier bien sûr l’avenir de notre système de retraite.

Vous avez décrété la suspension de la réforme de 2023, une rupture de fond qui était très attendue.

J’espère cependant que seront conservées les avancées obtenues pour les femmes, pour les carrières longues ou hachées, ainsi que la prise en compte de la pénibilité au travail, que mon groupe a défendues.

Le Gouvernement l’a souligné, cet arrêt aura un coût financier. C’est aux partenaires sociaux de trouver les moyens de garantir que cette pause ne soit pas financée par la dette publique. Cela ruinerait la confiance dans notre modèle fondé en 1944 sur le principe de la solidarité, auquel le RDSE est attaché, comme le sont la plupart des Français.

Monsieur le Premier ministre, comment ne pas souhaiter votre réussite ?  A ce stade, votre double volonté de permettre le débat et de remettre le pays sur les rails de la stabilité, semble sincère.

Au-delà d’adopter un budget, il est impératif de restaurer la confiance pour sortir d’une République maltraitée. Sans un minimum de concorde -nous parlementaires- serons encore un peu plus fragilisés. Si la Vème République a été formatée pour une vie politique bipolaire, elle a encore les ressources pour surmonter une crise, sous réserve de pratiques politiques plus apaisées, expurgées des lignes rouges et tournées vers la recherche du consensus au service de tous les Français. »