« On dit que le judo est autre chose qu’un sport.
Beaucoup d’entre nous ont fait l’expérience plus ou moins longue de sa pratique…certains disent se nourrir des traces de leur pratique dans leur vie en dehors des tatamis.
Yves Cadot (2021) nous révèle que c’était le vœu de Kano, le fondateur du judo : faire sortir du huis clos du dojo, les principes découverts au travers de sa pratique et relier le judo – ou principe d’adaptation – au monde. C’est ce qui permet à la société de prospérer qui est au cœur du projet, une société entendue comme des hommes reliés entre eux…
Ambition qui résonne avec celle de nos équipes éducatives.
Les élèves de 3ème ont fait l’expérience d’une séquence de judo, pendant leurs cours d’EPS. Forts de leur dizaines d’heures de pratique, ils leur fallait favoriser l’expérience des élèves de CM2, faire en sorte que ces derniers y prennent quelque chose et enrichissent ou infléchissent leurs conduites spontanées : il y a du prendre dans l’apprendre nous dit Colette Soler.
Mais prendre ne veut pas dire choisir de faire ce que l’on veut ; la focale est claire : c’est ce qui relie les élèves entre eux qui est au cœur de ce que les apprenants judoka vont vivre. Plus cette relation interpersonnelle est riche plus ils accèderont à une pratique exigeante. Les progrès de l’un nourrissent les progrès de l’autre et de leur niveau de jeu.
Les premiers jeux, combats aménagés donnent le ton : il faut gagner le plus de points possible, la victoire de l’un ou de l’autre n’est qu’un indicateur, qui n’a pas à être « célébré », ou considéré comme facteur d’humiliation, bien au contraire.
Car avant cela, il leur faut saluer leur partenaire/adversaire : ce salut veut ici dire « merci ». Il est adressé à cet autre en début et en fin de combat, qui par sa présence et son acceptation des règles du combat, va autoriser le jeu, la construction d’apprentissages multiples, une plus ou moins grande mise en difficulté et son cortège d’émotions qui échappent …il est, de fait, engagement à faire le mieux possible : je fais au mieux dans le jeu, dans le combat que l’autre consent de partager avec moi, je ne peux me jouer de lui ! (tout un programme).
C’est ce couplage, ce lien qui animera l’ensemble des acquisitions. Les « grands » n’ont pas enseigné aux plus jeunes la chute, ou même le fait d’être capable de se relever après la chute.
Celui qui réalisait une projection assurait pour une part la protection de celui qui était projeté, ce dernier profitait de l’évolution de ses acquisitions pour chercher à reprendre l’initiative, à se nicher au cœur de la situation pour (re)prendre appui, (re)prendre la main.
L’évidente satisfaction voire joie de l’ensemble des acteurs confrontés à la nécessité d’apprendre avec ou d’un autre, de chercher à enseigner, est susceptible de faire trace.
Une occasion pour chacun des élèves de se donner à voir autrement. Écouter, observer, accepter de se confronter, se repérer dans un projet d’acquisition interpersonnel…ou décider de prendre la parole de manière structurée, finalisée, devant un groupe plus ou moins connu. (C’est M… élève de 3ème dispositif ULIS qui s’est porté volontaire pour débuter le cours en proposant le premier contexte de travail !).
L’attention apportée à l’autre, à ce qu’il fait, ce qu’il manifeste à ce qui échappe pour tenter d’inventer ou d’élaborer avec lui et d’autres de nouvelles pistes de travail de nouvelles hypothèses mais en gardant un cap structurant est assurément une compétence qui peut faire sens en regard du projet éducatif de Kano ou de l’école. »